(Attention, spoil)

Mother avait tout pour me plaire.
Un film qui a réussi à se frayer une place dans le top 111 en peu de temps
Un film d'un réalisateur que j'aime beaucoup (pour The Host, mais surtout Memories of Murder, chef d'oeuvre). J'aime le ton du réalisateur, unique, sa façon si fine de mélanger les genres, ses personnages, son humour noir...
Un film unanimement très bien noté par mes éclaireurs (que je choisi pourtant toujours drastiquement), ou même mes pires salauds (ils se reconnaîtront, mes deux méchants) ont mis 8.
On compte sur les doigts de la main les notes en dessous de la moyenne, sur 800 notes !!
Et pas la moindre critique négative ! Chose que je m'empresse de corriger, bien évidemment.

Non, ce film devait me plaire. Sûr de moi, et près à en mettre plein les yeux à Mademoiselle, je l'embarque dans cette aventure.


Alors commençons par les points positifs, parce que un 4, ça se mérite quand même. Honnêtement je voulais mettre 3, mais tout bien repensé, le point en moins est plus dû à mon incrédulité face à la surcôte incroyable du film qu'à tant de défauts. Bref.

On démarre bien, très bien. La scène d'introduction, avec la Mère qui danse, une belle trouvaille. Puis ensuite l'histoire se met en place, plutôt honnêtement, reconnaissons le. J'aime bien ce passage ou Do-joon se rate lamentablement pour casser le rétroviseur. Typique du réalisateur ça, de nous surprendre par des actions décalées (que ce soit du côté des ressorts comiques d'un autre registre).

On notera aussi avec plaisir quelques scènes assez bien trouvées, comme lorsque Do-joon satisfait un besoin naturel, que sa mère en même temps lui fait boire son médicament, et que Joon-Ho filme de manière à ce que l'on ai bien la conscience d'un cycle, direct. L'eau qui approche du doigt de je-ne-sais-plus-son-nom,-celui-au-club-de-golf, joliment filmé (enfin rien de transcendant quand même). Puis évidemment la scène fantastique ou l'avocat de la Mère lui fait une proposition magouilleuse. Là, on a une scène de grande qualité, qui heurte et choque au possible tout en étant pas putassière, chose rare aujourd'hui.

Les acteurs sont tout à fait bons, et la Mère donne même une grande performance, rien à redire.

Au niveau du scénario, il y a du bon (et du moins bon, j'y reviendrais), notamment lorsque l'on apprend que Do-joon est, contre toute attente, le coupable. Ça, c'est du sport. On reconnaît bien la notre Bong, habile à nous mener par le bout du nez.

Et puis voilà, le tour des bons points est à peu près fini. Et je me vois dans l'obligation de passer à certains repproches.


Pour rester sur le scénario, il m'a profondément déçu dans l'ensemble. Sans aller jusqu'aux incohérences Aronovskiennes, y'a quand même des trucs extrêmement mals foutus. Le coup de Do-joon qui fait la gueule à sa Mère par exemple, frise le ridicule. Pourquoi ça ? Ça sert juste à dramatiser un peu, faire pleurer la Mère un peu plus, mais au niveau de l'histoire, c'est utile comme un black dans Shining. Aucune incidence sur le récit, j'ai presque envie de dire "ça tombe bien, de toute façon ils n'avaient plus rien à se dire, puis dès le moment ou l'un a eu besoin de l'autre (en l'occurrence Do-joon qui venait de se rappeler un visage le soir de l'assassinat), ils se sont à nouveau entendus comme cochons." Un ressort terriblement inexploité, qui laisse perplexe quand à sa raison d'être.
La fin à rallonge aussi m'a passablement exaspéré. Ça n'en fini pas de petites révélations/chamboulements. Le fils est le coupable, ok. La mère devient une meurtrière. D'accord. Elle brûle la maison. Bon. Do-joon est innocenté. Hum. Un autre est arrêté à sa place. Euh... Il retrouve les aiguilles de sa mère dans les décombres de la maison calcinée. Encore ?? Chance, il ne fait pas le lien avec sa mère. Pratique tiens. Il explique ensuite sagement pourquoi JP aurait mis le corps en haut. Très, pratique.
En parlant de la Mère qui brûle la maison, me reste une interrogation moi, le cadavre calciné, ils ne vont pas voir le crâne fracturé ? Ils ne vont pas chercher à déterminer la cause de l'incendie, tout au moins ? Il me semble que c'est une chose qui se fait courament. Tout ceci est expédié à grande vitesse, et ce n'est pas du tout convaincant.
Reste ce qui m'a scandalisé le plus, le coup des "portables pervers". Non mais sérieusement ? Outre le nom ridicule, imputable peut-être à une traduction douteuse, le système est ridicule. Depuis quand a-t-on besoin de démonter un portable pour en enlever le bruit de l'appareil photo ?? Il suffit d'aller dans les réglages, n'importe qui sait faire ça aujourd'hui, à plus forte raison des lycéen(ne)s. Un des ressorts majeurs de l'intrigue repose sur une affabulation de toute l'équipe et de tout les participants à la création de ce film, un fait qui attire mon incompréhension la plus totale.
[NB : Mao_Zedong m'explique que : "Au Japon et en Corée du Sud il est (était) interdit de vendre des téléphones portables où l'on peut désactiver le son lors d'une photo à cause de tous les problèmes de photo prises sous les jupes etc. Ça ne marche plus du tout depuis l'arrivé des smartphone bien sûr." En conséquent je retire cette affirmation. Toutefois le problème demeure.]
Y'a pas mal de choses comme ça, tout au long du film, qui sont mal exploitées, voir carrément inutilisées, ou encore assez invraisemblable.
Puis le coup de la Mère qui tue pour son fils, une ficelle tellement utilisée qu'elle n'en surprend plus une seconde. Alors c'est sensé signifier quoi, qu'une mère peut être prête à tout pour son enfant, aussi attardé soit-il ? Sérieusement, Bong ? Tu nous sers cette philosophie de comptoir ?
Dans l'ensemble, je reproche beaucoup au scénario de ce film. Et dans un film ou cet élément à une telle importance, c'est grave. Mais ce n'est pas tout.

L'aspect « cyclique », on retrouve la scène du début, ne m'a pas du tout emballé. Alors là j'admets tout à fait être peut être passé à côté d'une signification cachée, auquel cas je vous prie de me l'expliquer, sinon je vois pas trop ce que ça vient faire ici. Un effet de style inutile. Je crois qu'il était trop content de l'effet qu'il avait produit au début, et voulait profiter au maximum de sa trouvaille. Non, j'en rajoute, mais...
Parce que finalement, des scènes de grande qualité, sur deux bonnes heures, on en compte pas tant que ça... Voir pas des masses. Oh, c'est tout le temps bien filmé, rien à redire, mais de bonnes trouvailles qui justifient le culte, elles se comptent sur les doigts d'une main de Reinhardt, vous voyez celle dont je veux parler.
On peut pas non plus se complaire dans la qualité d'un univers particulier qu'il mettrait en place comme dans Memories of Murder par exemple. L'environnement n'est pas dépaysant, je n'ai senti aucune patte forte dans ce domaine. Vraiment.
Et encore une chose que j'aimais bien chez Bong, c'est l'emploi de thèmes récurrents qui traversent une œuvre. Quand on pense à l'importance de la bouffe dans The Host par exemple, pour ne citer que ça. C'est fin, ça traverse deux heures de film sans trop se faire remarquer tout en étant omni-présent... Y'a chez lui cette présence de petites thématiques symboliques qui donnent une autre profondeur à une œuvre, que je n'ai pas retrouvé ici. Peut être les ai-je raté, je veux bien le croire, toujours est-il que pour le moment...

Le rythme m'a aussi grandement surpris. Qu'on se le dise, l'ennui s'est installé à plusieurs reprises. Oh, rien de trop dérangeant, qui m'aurait offusqué, révolté, mais tout de même, pas mal de moments ou Bong ne nous tiens pas, nous laisse vagabonder, observer un mur de sa chambre, repenser à sa journée, à ce qu'on va manger le lendemain... Ça résume d'ailleurs pas mal mon ressenti sur le film. Pas mal, quelques bonnes idées, par ci par là, peu de choses vraiment convaincantes, beaucoup de points négatifs... Je m'attendais à du transcendant lorsque l'on m'a servi une soupe un peu fade. Carrément insipide si on la met à côté de son précédent, mais je me suis convaincu qu'il fallait que j'arrête de m'attendre à quelque chose de cet acabit.
Je vois venir ceux qui me reprocheront de juger ce film par rapport à ses précédents, qui me diront que ce film est un renouvellement du style du réalisateur, etc. Non non, mon jugement est bien pesé, distancié maintenant de ses précédents films, et le film, seul, s'il est un renouvellement de la part du réalisateur, est un renouvellement très décevant.



Je ne m'attends pas à beaucoup d'appréciations, au vu du nombre de gens qui partagent mon point de vu, et du peu qui jugent une critique en fonction de ce qu'elle apporte et non de la similitude de pensée, mais je crois qu'il fallait que ce soit dit.
Encore une fois j'admets tout à fait la possibilité que je sois passé à côté de trucs importants, je ne demande qu'à en parler et à apprendre.
Car l'un dans l'autre, ce n'est pas tant des reproches que j'ai à lui faire, que l'absence de compliments forts.
Adobtard
4
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le 17 sept. 2012

Modifiée

le 23 sept. 2012

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Adobtard

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