Mort ou vif
6.3
Mort ou vif

Film de Sam Raimi (1995)

En 1995 le Western est un genre à l’agoni qui peine à se réinventer surtout depuis que Clint Eastwood s’en est fait le fossoyeur avec Impitoyable. Sous l’impulsion de sa principale interprète et productrice, Mort ou Vif se propose d’en faire l’état des lieux à travers un tournoi entre pistoleros désireux de se faire une renommée ou bien qui ont simplement de vieux compte à régler. Dans cet ordre d’idée Sharon Stone recrute des petits nouveaux tel que Russel Crowe encore méconnu du grand public ainsi que Leonardo Di Caprio dont ne veut pourtant pas le studio. Mais la femme fatale en est persuadé, ce jeune est voué à une brillante carrière dans le milieu au point qu’elle ira imposer sa présence en le payant de ses propres deniers. Afin de compléter le tableau, plusieurs briscards s’ajoutent à la distribution tel que Keith David dans la peau d’un tueur à gages, Lance Henriksen qui campe le rôle d’un bonimenteur prétentieux, ou bien Gene Hackman qui retrouve le rôle du despote qu’il avait déjà abordé 3 ans plus tôt. Sam Raimi se voit confier la réalisation pour dynamiter le genre très codifié et ainsi livrer un film détonnant qui puisse renouveler la tendance. Sharon Stone s’octroie évidemment le rôle principale, celle de l’étrangère moins motivée par l’argent que par la vengeance d’un récit typiquement Léonien où ne manque que le souffle de Enio Morricone à l’Harmonica.


Curieuse manière de maintenir l’ordre que John Herod a eu en organisant un tournoi de duelliste dans la rue. Probablement une manière de séparer le bon grain de l’ivraie et de semer la terreur en sortant vainqueur chaque année. Pourtant une foule d’étrangers viennent pour pouvoir y participer, mercenaire, prisonnier, as de la gâchette, une bonne femme, un indien, un black et un gamin histoire d’avoir un quota de minorités parmi les cow-boys d’opérette. Aucun des concurrents ne sera cette fois épargné par la nouvelle règle en vigueur qui implique de mettre son adversaire à mort, pas même pour celui surnommer le Kid, fils bâtard du maire de la ville que ce dernier a toujours renié. Ellen qui se gardera bien de dévoiler ses motivations fait figure de prétendante, bien qu’un seul outsider digne ce nom se dégage réellement des concurrents : Cort, un ancien bandit désormais retirer du circuit qui ne lutte que par instinct de survie afin de trouver la paix intérieur grâce à sa foi inébranlable en Dieu. À la fin il ne peut en rester qu’un, sachant que le moindre faux pas pourra mener chacun des candidats de vie à trépas. Le nom de la bourgade n’est d’ailleurs pas anodin, puisque chacun des personnages principaux est en quelque sorte en quête de Rédemption. On peut également parler de film féministe puisque Ellen tente d’imposer sa présence dans un monde d’hommes impitoyable qui ne manqueront pas de lui faire remarquer qu’elle n’est pas à sa place, que ce soit dans un saloon où elle est cordialement invitée à séjourner chez les prostituées, ou bien quand l’organisateur l’invite à déclarer forfait pour éviter de se briser un ongle sur le chien de son pistolet. Les échanges verbaux se font à feu nourris et la misogynie se fait enterrer plus rapidement qu’une balle à l’écran. Sharon Stone interprète probablement l’un de ses meilleurs rôles au cinéma affichant une sensibilité à fleur de peau sous une carapace en apparence aussi imperméable que l’homme sans nom.


Mort ou Vif s’articule autour de ces duels au soleil que Sam Raimi filment sous tous les angles d’attaque à coup de zooms et de travellings optiques, de très gros plans et de contre-plongés afin d’en accentuer la tension dramatique. Pour autant, les clichés abondent, la populace un peu lâche qui se lie d’inimitié contre le maire en recrutant un mercenaire, la mystérieuse étrangère motivé par la mort tragique de son père, les archétypes de duellistes au look patibulaire, mais l’auteur parvient à les iconiser en les enfermant dans des cases de BD grâce à l’emploi de cadrages complètement décalé, ou bien en associant des espaces et des échelles pour les faire coexister dans le champ de sa caméra à la limite du plan composite. C’est probablement ce qui confère cette atmosphère surréaliste à cet univers qu’il aborde au premier degrés avec une dose subtile d’absurdité dans des mises à morts très stylisés. Dans la dizaine de face à face abordé, aucun d’entre eux ne se ressemble grâce à la variété des effets de mise en scène et de perspectives employés. Parvenir à éviter l’écueil parodique que le film aurai pu devenir démontre à quel point Sam Raimi sait employer son style moderne et outrancier dans un autre domaine, là où d’autres auraient probablement joué la carte du transfuge. C’est sûrement l’échec critique et financer du film qui pousseront le réalisateur à se remettre en question et à se compromettre dans des films de commandes tel que Intuitions ou Pour l’amour du jeu en reniant ce qui faisait toute sa singularité ou bien en singeant la personnalité de ses paires comme avec Un Plan Simple qui emprunte énormément aux frères Coen qu’il avait auparavant côtoyé. Heureusement, le film est depuis quelques temps réévaluer par la presse spécialisée qui n’hésitent pas à le considérer comme son chef d’oeuvre, surtout à l’heure du féminisme enragé qui cherche à puiser dans la culture des figures héroïques se dressant fièrement contre le patriarcat, droit dans les bottes, cheveux au vent, prête à employer le symbole phallique par excellence pour le retourner contre leurs assaillants.

Le-Roy-du-Bis
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le 4 août 2023

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