Suceur de Sens

Vous permettez que je vous raconte deux secondes ma vie ?? ( Oui / Non, Ok merci !!). Voilà j'étais chez un pote qui me demande si ça me branche que l'on se matte le dernier Marvel en 4K. Devant ma moue dubitative et connaissant un peu le bestiau il ajoute un poil pervers, tu devrais aimer c'est le film avec les vampires ce qui me redonne aussitôt le sourire, certes un rictus perplexe mais un sourire tout de même. Et voilà comment je me suis retrouvé à mater Morbius énième Marvel traitant de l'un des nombreux méchants de l'homme araignée pour visiblement l'inscrire dans le Sony Spider-Man Universe (je ne savais même pas que ça existait).

Michael Morbius est donc un brillant scientifique atteint d'une terrible maladie du sang le condamnant à une mort proche et certaine. Le médecin fait alors le pari de trouver un remède en croisant son ADN avec celui de chauves souris vampires d'Amérique du Sud ce qui patatras (et pas besoin d'être un brillant scientifique mourant pour le deviner) va le transformer en vampire devant s'abreuver régulièrement de sang.

Bon, Morbius a déjà suffisamment mauvaise presse et d'avis critique négatifs pour que je ne m'acharne pas à tirer sur l'ambulance, d'autant plus que le film n'est clairement pas destiné au spectateur que je suis. Je vais tout de même tenter d'expliquer objectivement pourquoi je n'accroche pas du tout à ce genre de proposition cinématographique bien trop calibrée à mon sens. La première chose qui m'agace un peu c'est l'idée même de faire un film sur un méchant pour nous sortir au final un film sur un brave type qui va avoir du coup besoin de l'antagonisme d'un vraie super méchant pour exister. Le méchant en question c'est tout de même un mec qui sauve des petits enfants et des vétérans de la guerre en Irak , qui se nourrit d'un sang de synthèse qui a même le bon goût d'être blanc pour ne choquer personne lorsqu'il l'avale au goulot et dont la plus grande préoccupation morale sera de ne blesser personne et de stopper son pote un peu trop cinglé. J'ai juste une toute autre définition du méchant parce que là j'ai déjà vu des vilains bien plus inquiétants chez Walt Disney. Je trouve également d'une assez profonde hypocrisie de prendre le mythe du vampire pour en proposer un spectacle aussi lisse et à ce point dénué de violence graphique. Ben sûr je comprends que le film s'adresse à un public spécifique que je qualifierais sans vouloir être péjoratif d'adolescents, mais ça me hérisse toujours les poils de voir des grands mythes de l'horreur et du fantastique à ce point dénaturer sur l'autel du film Tous Public. Seul l'aspect un peu brut et bestial du vampire est plus ou moins bien retranscrit mais pour le reste Morbius s'inscrit dans cette vague de films de vampires que je n'aime guère et qui préfère l'action à tout va au détriment du romantisme morbide des créatures de la nuit.

J'aurai encore pu oublier que le méchant ne le soit pas, que les vampires mangent proprement et sans faire de tâches si le scénario m'avait un petit peu embarqué dans des enjeux avec un minimum de richesse et de complexité. Malheureusement Morbius fait parti de ses films qui avancent à gros sabots au fil d'une histoire bien trop prévisible et qui ne semble jamais s’embarrasser de nuances et d'épaisseur. L'antagonisme entre Morbius et son compagnon de souffrance est prévisible quasiment dès leur première rencontre alors qu'ils sont gosses et surtout tout semble aller toujours beaucoup, beaucoup trop vite. Je ne prendrais que pour exemple la fameuse recherche scientifique résumé en trois minute, tient j'ai eu l'idée de fusionner l'ADN avec celui d'une chauve souris, je vais tester sur une souris, merde elle est morte, non elle revit, ça y est je suis guéri !! . Dans ce même ordre d'idée la transformation ne sera pas un lent processus avec l'apprentissage de nouvelle capacités mais un package complet de pouvoirs obtenus dés l'injection terminée. Sans demander un film chiant de trois heures, j'ai envie d'une intrigue que ne se résume pas à une enfilade de moments clefs. J'aurai vraiment apprécier aussi que ce docteur Morbius soit vraiment traité comme une figure tragique aux enjeux moreaux difficiles plutôt qu'on lui colle un méchant qui cabotine en roue libre pour focaliser la figure du mal ailleurs que sur le personnage. Et je ne parlerai même pas du duo de flics qui traversent le film sans parvenir une seule fois à s'intégrer correctement dans le récit.

Et puis dernière grosse déception avec la mise en scène de Daniel Espinosa qui nous balance quand même encore du bullet time alors que je croyais l'effet ringard depuis la profusion de sous Matrix dans les années 2000. Je ne souscris pas trop non plus à cette idée graphique de traînée de poussière ou de vapeur colorée qui suit les personnages lors de leurs bonds d'un kilomètre ou leur cession de vol libre. Pourtant l'effet est parfois assez joli comme lors du combat dans le métro avec cette illusion de traînée de gouttes de peintures qui s'échapperaient des personnages, je ne sais pas trop ce que ça représente mais c'est tantôt très moche et tantôt assez classe. Je n'ai jamais été un grand fan de ses films qui confondent l'agitation et l'action et fatalement ce gloubiboulga numérique qui s'arrête un temps pour un ralenti histoire que l'on voit ce qui se passe est bien loin de me convaincre. Et en dehors même des scènes d'action j'ai la sensation que jamais Daniel Espinosa n'appuie un minimum ses enjeux par une mise en scène inspirée à l'image du baiser final entre Morbius et Martine qui est d'une platitude assez catastrophique alors qu'il y-avait matière à bien plus de romantisme.

Même si l'aspect vampire me titillait un tout petit peu, je crois que sans cette proposition indécente de mon pote je n'aurai peut être jamais vu Morbius (Tout comme je ne regarderai sûrement jamais les deux Venom) . J'ai trop de respect pour le genre horrifique, j'en ai trop peu pour les produits Marvel, j'aime trop les vrais méchants qu'on les humanise ou pas et je ne suis clairement plus la cible visée par ce genre de films.