" Té le seul homme qui m'ait touché "

Cette petite phrase qui semble banale, et qui signe la fin de l'histoire, est comparable au choc provoqué par un barrage qui s'effondre... un torrent de larmes s'en suit ! l'émotion est saisissante!
Comment expliquer le talent de ce cinéaste Barry Jenkins, qui a réussi à nous immerger dans les pensées trop profondes pour les dire, de ce jeune Chiron... C'est çà, la puissance des images du Bon cinéma !
A Miami, on suit l'histoire de Chiron, noir américain, dans sa solitude chronique, pendant trois périodes de sa vie... son enfance, son adolescence et son âge mûr.
Elevé seul par une mère immature et camée, raillé par ses camarades de classe, qui sentent ses fêlures d'enfant mal aimé... il arrive toutefois à provoquer la sympathie d'un dealer charismatique au physique avantageux, Juan, qui le prend sous son aile, le protège, mais ne réussit pas à dénouer son affect profondément enfoui... son silence en réponse à toute discussion est une énigme. Juan disparaît assez rapidement de sa vie . Il lui aura livré un conseil déterminant pour son avenir "Un jour tu devras choisir qui tu as envie d'être, personne ne pourra le décider à ta place "…
A l'adolescence, l'éveil de son homosexualité va compliquer son mal être, il continue d'être persécuté par ses camarades, ignoré par sa mère défaillante en tout point...
Un soir, sur la plage, ses rêveries se mêlant aux rayons de la lune et aux frissons des vagues... à l'âme... Kevin, lycéen comme lui, s'approche, engage une conversation sympathique, lui propose un petit pétard... les regards se trouvent au profond et une scène d'amour magnifiquement rendue par la caméra inspirée de Barry Jenkins, pudique et intense, insistant sur le plan des mains qui s'incrustent dans le sable...clap.... coupure..
Le lendemain, au lycée, le caïd de la classe oblige Kevin à cogner Chiron... ellipse sur ce qui va se passer... évidemment déception de Chiron qui ne balancera pas, ira tout casser dans la classe et disparaîtra...
On le retrouve 10 ans plus tard, métamorphosé, athlétique, enfermé dans une armure de muscles, à l'intérieur d'une énorme limousine de luxe, à l'instar du mentor de son enfance, toujours aussi seul, toujours aussi muet, plongé dans des pensées interrompues par des appels téléphoniques répétés de sa mère repentante...et un jour, un appel de Kevin... il y va !
Le plan-séquence de la scène de retrouvailles est construit avec une dextérité étonnante, une caméra complice qui s'attarde avec plaisir sur la métamorphose du papillon qui sort de sa chrysalide... des regards qui parlent, qui cherchent ce qu'il y a derrière celui de l'autre...enfin quelqu'un qui lui témoigne un véritable intérêt...une relation vraie.... la parole se libère, le miracle opère et l'espoir se régénère ! Toutes ces subtilités captées avec l'intelligence du cœur et de la caméra !
La plume cinématographique de Barry Jenkins est aussi lumineuse que les rayons de la lune et son sens de l'émotion aussi fort que ses trouvailles imagées !

Juliette-Cinoche
10

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Créée

le 4 mars 2017

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