Un sujet aussi casse-gueule méritait-il un traitement aussi quelconque, insipide, insignifiant, impersonnel ? Négatif, évidemment. Que l’épure et la plastique de l’esthète McQueen aient influencé une nouvelle génération de réalisateur outre-Atlantique est une chose (bonne ou pas, je vous laisse juge), mais que ces derniers s’en revendiquent dans l’unique but de s’affranchir d’une émotion que le premier n’a pourtant jamais renié en est une autre. Et une terriblement plus fâcheuse, bien que cette tendance à l’automatisme et à la redondance dans le cinéma américain prétendument « indépendant », mais adoubé en messe-basse par les majors d’Hollywood, commence à saouler. Le problème, et il renvoie à une époque où cela relevait d’une certaine nécessité pour les artistes d’alors d’apostasier, ou au contraire d’épouser, les dogmes de leurs temps, est que le cinéma américain actuel a cessé, dans sa grande majorité, d’être politique. Et en ne politisant plus ses films, il ne répond plus au défi que lui lance l’Histoire : éveiller la conscience de ses contemporains et décrire l’instant pour les générations futures. Pire peut-être, il ne répond plus du même coup à l’esthétisation de la politique qui vient furieusement effacer la frontière qui les sépare. La question n’est plus alors de savoir si l’art doit être politique (il l’est par définition) mais si cette relation qu’on croyait bien établie n’est pas pervertie par un facteur de confusion : le temps. Car qui dit politique, dit avenir. Si bien qu’il ne saurait y avoir de politique sans avenir. Autrement dit l’apathie politique dans le cinéma américain actuel peut relever aussi bien d’une usure artistique (c’est à dire de l’homme confronté à une perte de sens) que de la fatalité d’un monde sans futur. Et là ça devient intéressant. L’avenir nous le dira.