Très instructif documentaire. Sa forme est agréable car sur chaque point chaque intervenant est filmé afin d'exprimer son point de vue. Et ils semblent se répondre grâce à un malin montage. A chaque assertion, répond une contre opinion. C'est pédagogiguement beaucoup plus évident. Clair. Concis. Et tous les aspects sont éclairés : les viticulteurs toscans et le confortable ordre que le fascisme a assuré (un peu celui qui semble faire défaut pendant le forum social à Florence), les viticulteurs français et les nazis (la collaboration "obligée" mon cul sur la commode), les nouvelles technologies de vinification, les critiques, les aspects ethno-racistes en Amérique du Sud, etc. Tout y passe sans concession.

Et se dessine ainsi chaque argumentaire, chaque "philosophie", de la fashion victim qui nous parle de la tendance au vins toscans (Wine Spectator), au vigneron amoureux de la terre, en passant par le winemaker californien qui se branle devant son domaine tout en paradant sur le dos des ouvriers mexicains ("des amis, on leur donne des tee-shirts et des casquettes, on leur parle et tout") qui suent sang et eaux dans leurs vignes, ou par le vigneron argentin indigène qui gagne péniblement ses 60 euros par mois grâce à un bout de vigne à côté de l'hispano millionnaire péroniste qui le haït.
Ainsi se dessine chauqe vision vis à vis du vin, de ce qu'il représente, soit un produit, soit une marque à valoriser à échanger, à faire du fric, soit du travail, une relation à la terre, soit une symbiose quasi mystique entre terre et hommes.

Au départ on pourrait croire que l'on a affaire à un simple documentaire sur le monde viticole. Il n'en est rien en réalité.
Il s'agit en fait d'un essai sur les mentalités internationales, voire interfamiliales (la famille des Bourguignons est assez éclatée avec des différences importantes), à propos de la globalisation, de la mondialisation. L'impérialisme de la pensée unique pour les uns, la démocratisation d'un produit élitiste pour les autres.
Le vin n'est qu'un prétexte, un outil pour montrer ce qui se joue actuellement sur le plan économique, politique, social et sûrement culturel sur la scène mondiale.

C'est un film qui me touche plus personnellement car je suis bordelais. Je vis dans un petit village à deux ou trois kilomètres de Sauternes. Le vin signifie quelque chose de particulier. Comme dit une habitante languedocienne, "ici le vin est important, comme à Paris l'industrie"... Me souviens plus exactement de sa phrase mais en gros c'est l'idée que le vin est un ciment social, autant qu'économique et quelque part identitaire.
Aussi on voit avec inquiétude et tristesse comment les bordelais se sont américanisés (goût) et ont perdu les qualités originelles de leurs vins, de leurs terroirs, leurs caractéristiques propres, sont devenus des sortes de collabos pour les uns, ou se sont acclimatés au marché international, aux nouvelles tendances du vin pour les autres, en utilisant les nouvelles technologies (micro-oxygénation, fûts neufs, etc.) prônées par Michel Rolland. Le Mouton Rotschild n'est plus le vin fabuleux qu'il était : il s'est transformé pour coller au goût de Robert Parker, et accessoirement à la demande de production intensive de la grande distribution. "On s'en fout de vos grands vins, faites du bon et en quantité!" Seuls les Bourgognes et les Languedocs (dans le docu) paraissent résister à cette unicité de goût et de philosophie, mais pour combien de temps?
Alligator
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le 26 déc. 2012

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