François Dupeyron fait don de son talent au cinéma français qui en a bien besoin ! Plus simplement, François Dupeyron a le don de captiver son spectateur à partir d’une intrigue qui, sur le papier, pourrait laisser perplexe. Il s’agit de la succession des rencontres faites par un homme, la quarantaine environ, dont le physique ordinaire est tout sauf celui d’un héros tel qu’on voit généralement au cinéma. Ces rencontres ont lieu aussi bien dans son cadre familial et amical, qu’au travail et dans les cafés.

Fredi (Grégory Gadebois, excellent) a perdu sa mère depuis 5 semaines et il soutient le dernier mari de celle-ci (Jean-Pierre Darroussin). Fredi vit dans un mobile-home sur la Côte d’Azur. Son luxe à lui est de circuler en moto (la séquence d’ouverture et quelques autres) et de profiter de la liberté. Malheureusement, sa liberté d’esprit va en prendre un coup au détour d’un virage pris un peu vite, quand un gamin sort d’une villa en courant après un chien.

Un film en liberté où le scénario (adapté de son propre roman « Chacun pour soi, Dieu s’en fout ») délivre les informations progressivement. Ainsi, dès le début, quand on voit Fredi discuter avec son beau-père, on ne réalise que progressivement le lien réel de parenté entre les deux. Quand une femme fait irruption en demandant après la morte, on comprend que la mère avait un don et que la femme cherche celle qui pourrait soulager les souffrances de son petit-fils. C’est le veuf qui répond et explique que la mère a transmis son don, mais que ce n’est pas le moment. Il jette un coup d’œil à Fredi et la caméra suit cette direction. On comprend que Fredi a hérité de ce don. Pourquoi ne l’utilise-t-il pas ? Tout simplement parce qu’il ne se sent pas les épaules suffisamment larges pour supporter toute la misère du monde. Bien évidemment, les circonstances vont l’inciter à remettre ce principe en question. Mais comme il ne veut pas de la situation de l’exploiteur des souffrances des autres, il est amené à chercher du travail, ce qui lui vaudra certaines rencontres. Dans sa vie sentimentale, il cherche aussi son équilibre et observe qu’autour de lui, il faut s’attendre à tout. La bonne âme qui sommeille en lui pourrait profiter des circonstances.

On le voit, même si François Dupeyron a un don pour la mise en scène, son cinéma ne boxe pas dans la même catégorie que les films de super-héros. Pourtant, à sa manière, Fredi est un personnage hors normes. Mais il ne va pas sauver le monde à grands coups d’effets spéciaux.

Tranquillement, François Dupeyron réussit un film avec du mouvement, de la vie, de l’espoir et des surprises. Voilà qui rassure quant à la capacité du cinéma français à parler de notre temps avec justesse, en présentant des personnages ayant manifestement du mal à s’en sortir dans la vie de tous les jours (ce que la bande originale tendance mal de vivre, rend bien avec Nina Hagen par exemple), sans demander à ce qu’on s’apitoie sur leur sort. En amoureux du cinéma et des acteurs (présence de Céline Salette, Nathalie Boutefeu, ainsi que de Marie Payen éblouissante dans « Inguélézi »), Dupeyron présente une image lumineuse (signée Yves Angelo) et ne se gêne pas pour utiliser quelques artifices qui sonnent justes (caméra mobile, parfois dans l’axe du soleil, effets légèrement tremblés), ce que j’ai trouvé judicieux. Après tout, pourquoi se gêner quand les américains en rajoutent dans des films larmoyants (allez, un exemple avec « Precious »). Il faut savoir utiliser les arguments de l’adversaire, même s’il n’est pas du tout question de super-héros dans « Precious ».

François Dupeyron super-héros du cinéma français ? Disons guérisseur momentané, c’est déjà pas mal. Dommage que le film traîne un peu en longueur et qu’un des arguments de l’intrigue (le gamin courant après son chien quand Fredi arrive en moto) soit complètement oublié en cours de route. Par contre, l’histoire drôle la plus courte du monde, avec un seul mot de dialogue (Quoi ?) entraîne des développements savoureux. Pour en savoir plus, voir ce film qui mérite le respect. J’espère qu’il tiendra suffisamment l’affiche pour que le réalisateur, notamment, de « Drôle d’endroit pour une rencontre » puis « Un cœur qui bat » et du très beau « C’est quoi la vie ? » puisse réaliser ce qui lui tient à cœur.
Electron
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Vus au ciné en 2013

Créée

le 26 sept. 2013

Critique lue 1K fois

29 j'aime

13 commentaires

Electron

Écrit par

Critique lue 1K fois

29
13

D'autres avis sur Mon âme par toi guérie

Mon âme par toi guérie
eloch
9

" Immense, sans fin, un gong vide, il aurait retenu ceux qui voulaient partir"

Sur une route de bord de mer, Fredi roule à moto... Sur cette image, première du film, le générique commence. Pas de titre. C'est que l'âme, encore, doit guérir. Frédi est présenté comme un colosse...

le 18 sept. 2013

23 j'aime

14

Mon âme par toi guérie
BrunePlatine
10

People help the people

Céline Sallette ou Grégory Gadebois au casting et vous avez déjà la certitude de vous plonger dans quelque chose de beau. Et ce film, au titre si merveilleux, est encore plus que beau : c'est un...

le 28 janv. 2017

11 j'aime

6

Mon âme par toi guérie
Locke
6

Vis,ose et deviens ce que tu souhaites

Au début du film, ce grand cabossé de Frédi (Grégory Gadebois encore remarquable) a du mal à accepter son don de guérisseur transmis par sa maman décédée.Je trouvais ce postulat de départ un peu...

le 6 oct. 2013

7 j'aime

Du même critique

Un jour sans fin
Electron
8

Parce qu’elle le vaut bien

Phil Connors (Bill Murray) est présentateur météo à la télévision de Pittsburgh. Se prenant pour une vedette, il rechigne à couvrir encore une fois le jour de la marmotte à Punxsutawney, charmante...

le 26 juin 2013

111 j'aime

31

Vivarium
Electron
7

Vol dans un nid de coucou

L’introduction (pendant le générique) est très annonciatrice du film, avec ce petit du coucou, éclos dans le nid d’une autre espèce et qui finit par en expulser les petits des légitimes...

le 6 nov. 2019

78 j'aime

4

Quai d'Orsay
Electron
8

OTAN en emporte le vent

L’avant-première en présence de Bertrand Tavernier fut un régal. Le débat a mis en évidence sa connaissance encyclopédique du cinéma (son Anthologie du cinéma américain est une référence). Une...

le 5 nov. 2013

78 j'aime

20