" Immense, sans fin, un gong vide, il aurait retenu ceux qui voulaient partir"

Sur une route de bord de mer, Fredi roule à moto... Sur cette image, première du film, le générique commence. Pas de titre. C'est que l'âme, encore, doit guérir.

Frédi est présenté comme un colosse qui garde tout à l'intérieur et libère autour de lui la parole des autres. C'est un accident qu'il provoque, et un regard foudroyant qui le pousseront à accepter peu à peu le don que sa mère lui a transmit. Lui qui est si blessé, si incapable de tracer pour sa vie une ligne droite, s'engage dans une entreprise de guérison, donnant aux autres des leçons qu'à lui-même il ne s'applique pas. Il vit ainsi coincé entre son père et ses voisins et amis qui se déchirent plus ou moins. Il y a dans ce désespoir lattent des trouées d'humour, des moments qui jaillissent dans la vie. Le rythme du film est lent, saupoudré de scènes transitoires à moto, de cycles et des rencontres que fait Frédi. La caméra lui colle littéralement à la peau. Elle s'envole même jusque dans ses cauchemars en noir et blanc.

Et tout à coup, c'est le corps, son besoin de l'autre, sa souffrance, ses cris que filme François Dupeyron, comme une douleur inexprimable que la chaleur d'une main vient apaiser. La caméra suit alors ces personnages qui se parlent, se retrouvent, se perdent, espèrent et se délaissent. Elle vole parfois au dessus d'eux, souvent elle glisse de visages en visages mais surtout, elle suit indéfiniment Frédi dans ses errances...

Le film semble un petit miracle de bout en bout, à l'image des rayons du soleil qui accompagnent et bercent le visage de Frédi dans chaque plan. Comme si cet homme si détruit qui aspire les souffrances portait en lui une force de l'au-delà, qu'il n'est nulle besoin de rattacher à un dieu quelconque. C'est là, puissant, dévastateur et Frédi accepte dans tenter de comprendre. Il sait juste, qu'il y a l'avant et l'après et qu'entre les deux, c'est le vide. Comme après une crise. Ce trou, il se sent le seul incapable de le combler. Il sent qu'il ne peut vivre comme les autres. Mais il ne sait pas clairement comment il est. Il ressent, entièrement, tout, tout le temps.

Et, c'est ici que le film prend un nouveau tournant dans sa dernière 1/2 h, quand apparaît Nina. Une apparition véritable. Une incurable... Détruite, lessivée, massacrée, enivrée jusqu'à vaciller, elle est tout à coup la sauveuse ou du moins, celle pour qui, peut-être, il est bon de tenter de remplir le vide. Entre le moment où il la croise et celui où il la retrouve, le vide, l'oubli. Mais surtout la sensation tenace que quelqu'un a besoin d'aide...

On ne sait pas où vont aller ces deux là, ils ne sont pas même conscients d'être ensemble. La musique, très belle BO, de ce film emmène, chaque fois, les personnages plus loin. Elle arrive puissante et forte, brusque dans ce rythme parfait que prend le film où tout semble arriver avec une fluidité assez impressionnante pour sa durée (2h). Elle recouvre leurs voix quand ce qu'ils se disent compte moins que le fait de dire quelque chose, de couper la crise... Le choix des interprètes mérite d'être souligné, il est extrêmement judicieux. Gregory Gadebois à la stature imposante, à la voix douce et forte habite ce personnage, lui donne une consistance inattendue. Il est puissant. Les autres interprètes sont justes, bien dans leurs rôles. Et Céline Sallette, actrice à la présence irradiante, qui laisse son empreinte sur la caméra, était l'actrice parfaite pour ce rôle d'apparition, de corps blessé, qui ne marche plus droit... Elle reste longtemps dans la pupille du spectateur. Le film passe comme un souffle, il est parfaitement maîtrisé, il ne se passe comme rien mais tout se passe en fait, la tension est toujours présente, de savoir, ce que l'instant d'après, il se passera...Simplement simple et puissant. On serait bien restés plus longtemps mais le voyage de retour se terminait déjà...
eloch

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