L'affiche est accrocheuse : ce regard d'Emmanuelle Devos reflété par le rétroviseur de sa voiture, regard tourné vers le passé, donc, vers le deuil impossible de son fils tué par un chauffard et dont elle n'aura de cesse de venger la mort.


Le scénario, résumé, semble intéressant : on sait que cette mère meurtrie sera confrontée non pas à un conducteur, comme elle l'avait imaginé en concevant son projet de vengeance, mais à une conductrice, qui sera, de plus, incarnée par Nathalie Baye, ce qui laisse présager un superbe duo d'actrices mettant en déroute les plans meurtriers. Et l'on se réjouit déjà du traitement intéressant réservé par le cinéma français au thème de la vengeance, si éloigné de l'efficacité basique et souvent sommaire illustrée par les Américains, et tellement apprécié, déjà, dans le magnifique "Michael Kohlhaas", d'Arnaud des Pallières, qui n'hésitait pas à exposer l'impasse, à la fois conceptuelle et pratique, de la vengeance.


On pardonne mal une attente déçue. Ainsi, malgré le professionnalisme incontestable des protagonistes, on souffre devant le manque de folie qui amollit le personnage de Diane, la mère vengeresse. Lui fait face une esthéticienne, Marlène, dont la défiance bien compréhensible cohabite mal avec des manifestations de confiance qui peuvent la placer dans des situations dangereuses. Les invraisemblances légères se multiplient, devenant gênantes. Même le Léman, qu'on nous avait si bien vendu, les deux femmes résidant chacune sur une rive opposée, française ou helvète, donc, n'est pas exploité et Frédéric Mermoud ne tire rien des quelques traversées auxquelles se livre son héroïne.


Les incohérences culminent dans le final, Diane ne lâchant pas, contre toute vraisemblance psychologique, son projet vengeur et Marlène ne devant sa survie qu'à sa présence d'esprit et à son argumentation sans faille. En revanche, se trouve inexplicablement épargnée une figure masculine chargée de tous les vices et rendue patiemment odieuse tout au long du film...


Une réalisation qui manque de courage, donc, et dévie, comme sans s'en rendre compte, de ce qu'elle avait elle-même mis en place.

AnneSchneider
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le 21 août 2016

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Anne Schneider

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