Pour donner plus de clarté à mon avis sur Miss Peregrine et les Enfants Particuliers, je suis obligé de revenir sur la carrière de Tim Burton. Durant des années, Burton fut mon cinéaste préféré. De Pee-Wee Big Adventure à Sleepy Hollow, j'ai adoré tous ses films. Il atteignait même des sommets avec le trio Edward aux Mains d'Argent, Ed Wood et Batman- le Défi que je placerais sans trop de mal dans la liste de mes films préférés. Et puis, patatras ! La Planète des Singes débarque et plus rien ne sera jamais pareil. Sorti complètement perdu et déstabilisé par ce film de commande sur lequel il n'a pas vraiment eu son mot à dire, la carrière de Burton prend une trajectoire très étrange. S'il arrive encore à faire illusion avec certains films sympathiques (Big Fish, Frankenweenie et Sweeney Todd), il ne retrouvera plus jamais son style poétique et gothique si particulier. Pire encore, il finira par devenir petit à petit une caricature de lui-même au travers de films tout au mieux médiocres comme Alice au Pays des Merveilles et Dark Shadows. En l'espace de 20 ans, il est passé, à mes yeux, du statut de cinéaste préféré à celui-ci de réalisateur de nanars complètement perdus. Autant dire que je n'attendais absolument rien de Miss Peregrine, si ce n'est un film de commande pour grands enfants faussement gothiques et boursouflés. Et bien je me suis trompé ...
Soyons clairs directement, le film est rempli de défauts. Il y a de grosses incohérences scénaristiques, le héros n'a aucun charisme, l'introduction est assez longue et laborieuse et le score est très loin d'atteindre le niveau des compositions que Danny Elfman proposait aux productions de Burton dans les années 90. Mais à côté de ça, j'ai vraiment eu l'impression de retrouver le cinéaste que j'ai tant aimé pour la première fois depuis 20 ans !
Il y a, dans Miss Peregrine, cette douce folie, cet amour de la différence et de l'étrange. Cette audace qui n'a pas peur de proposer au jeune public des visions franchement dérangeantes, une poésie du macabre et un amour pour ces références. Bref, tout ce que j'ai aimé chez Burton et qui me semblait perdu à jamais. Car, même s'il est très loin d'être parfait, le film propose des visions et des idées franchement assez hallucinantes pour ce type d'œuvres familiales grand public. Les méchants, par exemples, sont ce que j'ai vu de plus dérangeant et flippant dans ce type de production. L'on a même droit à une scène de banquet hallucinante en leur compagnie, dont je n'arrive toujours pas à comprendre comment elle a pu échapper au comité de censure. Le sommet du film est certainement atteint lors d'un combat au milieu d'une fête foraine entre des monstres gigantesques et une armée de squelettes. Cette scène, outre être un hommage à Ray Harryhausen, est peut-être la plus folle vue sur écran cette année.
C'est vraiment pour ça que je vous invite à voir Miss Peregrine, car j'ai vraiment eu l'impression d'assister à la renaissance d'un grand cinéaste. Alors certes, tout n'est pas réussi mais l'essentiel est là. Et je suis persuadé qu'au travers de projets plus personnels, Burton arrivera de nouveau à nous sortir des chefs-d'œuvre. En attendant, l'on sent qu'il a pris du plaisir à réaliser ce X-Men du gothique. On a même l'impression de le voir adolescent au travers du personnage d’Enoch dont le pouvoir, franchement dérangeant, est un peu celui dont il dispose également. À ce titre, une des scènes du film est vraiment symptomatique. Enoch utilise ses pouvoirs pour proposer « un spectacle » bien glauque à Jake, le héros du film. Devant le regard à la fois fasciné et dégoûté de son ami il lui dit : « si tu avais vu ce que j'étais capable de faire dans le passé ». Toute la carrière de Burton et son analyse de son propre travail est dans cette scène. Conscient de ses erreurs et sur le chemin de la rédemption, je vais soutenir celui qui m'a tellement fait rêver.
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