Miss Oyu
7.3
Miss Oyu

Film de Kenji Mizoguchi (1951)

Miss Oyu est le premier film de la dernière partie de carrière de Kenji Mizoguchi. Certes, à cette époque, il bénéficie déjà d'une aura sans pareille au Japon, à égalité avec Yasujiro Ozu. Mais Miss Oyu est le premier grand film de Mizoguchi qui marquera la postérité, et à la suite duquel suivront Les Amants crucifiés (1954) ou encore L'Intendant Sansho (1954). Tout comme Ozu avec Setsuko Hara dans Printemps tardif (1949), tout comme Akira Kurosawa avec Toshiro Mifune dans L'Ange Ivre (1948) ou Rashomon (1950), Mizoguchi trouve sa muse, Kinuyo Tanaka, déjà une grande vedette à l'époque, et qui jouera dans la plupart de ses classiques après Miss Oyu (ce n'était certes pas leur première collaboration). Je m'égare.

Miss Oyu est un condensé du style de Mizoguchi. L'histoire, celle d'un amour rendu impossible par les conventions sociales, est typique de ses films. Il ne se limite pas à une simple analyse socio-historique de la condition des femmes et du statut des relations amoureuses, en l'occurrence à l'époque de l'Ere Meiji. Le scénario lui permet en fait de décrire subtilement les sentiments des personnages, dans toutes leurs nuances et dans toute leur mouvance. Le triangle amoureux entre les deux sœurs et l'homme, amoureux de l'une et époux de l'autre, n'est pas réciproque, il n'est pas univoque non plus, il n'est pas hiérarchisé ni figé dans le temps. L'autre versant du style de Mizoguchi, c'est la photographie. Dieu que c'est beau, surtout en noir et blanc. Les plans de rivière, de villas japonaises, de lacs lumineux où viennent s'échouer pirogues et espoirs, mais aussi les scènes de dialogue, où costumes et décors virevoltent et portent tous une signification précise, comme la position et le déplacement des personnages... J'ai toujours préféré Ozu et Kurosawa à Mizoguchi, mais il y a bien une chose dans laquelle il leur est supérieur : sa photographie (et c'est pas rien).

Miss Oyu n'est tout de même pas le sommet de l'art de Mizoguchi. Le film souffre de longueurs qui gâchent la magie des images et des émotions. Le jeu, encore trop théâtral et expressif (à l'exception de Kinuyo Tanaka, déjà impeccable), tranche avec la subtilité de la poésie du film. Il n'en reste pas moins qu'avec ce film, Mizoguchi entre par la grande porte dans l'âge d'or du cinéma japonais.

Samji
7
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le 8 avr. 2024

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Samji

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