Minari réussit, pendant sa première heure, à faire léviter la gravité de ses enjeux – enfant handicapé, père reconverti en fermier, associé frappé de folie, grand-mère libertaire – par une forme contemplative et une partition musicale nébuleuse. Car l’installation en Arkansas de cette famille coréenne mobilise et réactualise tout un imaginaire du pionnier fondateur de l’Amérique, depuis ce déguisement de cowboy que revêt l’ami de David chez lui à la fascination pour la terre et sa possession. Les personnages principaux sont entourés d’une galerie de trognes, caricatures d’une ruralité américaine contre laquelle se heurte Jacob, pris en étau entre ses rêves en devenir et sa culture passée ; son épouse, Monica, constitue la somme de ses regrets, de ses frustrations et de ses échecs, c’est là d’ailleurs son seul trait de caractère.


Nous reprocherons au long métrage de Lee Isaac Chung son récit schématique qui, après avoir semé ses enjeux dans un terreau prometteur, emprunte les sentiers balisés de ce genre de productions : montagnes russes émotionnelles, revirement de dernière minute avec incendie, réunion de la famille, tout cela s’avère cousu de fil blanc et échoue à saisir la singularité et l’authenticité de ces êtres écartelés entre une tentation du Paradis – l’exploitation florissante, l’intégration sociale, la prière faite à Dieu – et la réalité décevante. Il aurait fallu s’affranchir du sentimentalisme et renoncer à cette focalisation complaisante vis-à-vis des destinées représentées pour convertir la douleur en foi et en magie. Reste une œuvre surprenante qui témoigne d’un phénomène contemporain peu connu : l’immigration des Coréens en Amérique.

Créée

le 16 mars 2021

Critique lue 661 fois

2 j'aime

Critique lue 661 fois

2

D'autres avis sur Minari

Minari
Cinephile-doux
5

Le sexe des poussins

Minari ne manque pas de potentiel et aurait pu donner la trame d'un western, si l'action avait été transposée un siècle plus tôt. Cette chronique d'une famille coréenne immigrée, venue se frotter au...

le 2 mars 2021

18 j'aime

3

Minari
RomainGlbt
6

Critique de Minari par Romain Glbt

Le sujet est précieux : une famille américano-coréenne décide de s’installer dans une petite ferme de l’Arkansas pour vivre leur "rêve américain". Comme l'écrit le synopsis, on y trouve la belle...

le 5 févr. 2021

12 j'aime

3

Minari
ilaose
7

Souvenirs d'enfance...

Il y a de quoi craindre le pire à la vue de cette affiche baveuse et de l'étiquetage Sundance, où le film a tout raflé l'an passé, si bien mis en évidence. Mais, ragaillardi par mes dernières...

le 24 juin 2021

10 j'aime

Du même critique

Sex Education
Fêtons_le_cinéma
3

L'Ecole Netflix

Il est une scène dans le sixième épisode où Maeve retrouve le pull de son ami Otis et le respire tendrement ; nous, spectateurs, savons qu’il s’agit du pull d’Otis prêté quelques minutes plus tôt ;...

le 19 janv. 2019

86 j'aime

17

Ça - Chapitre 2
Fêtons_le_cinéma
5

Résoudre la peur (ô malheur !)

Ça : Chapitre 2 se heurte à trois écueils qui l’empêchent d’atteindre la puissance traumatique espérée. Le premier dommage réside dans le refus de voir ses protagonistes principaux grandir, au point...

le 11 sept. 2019

77 j'aime

14