Anita Mui le maillot ! (sans spoil)

Jacob Cheung signe avec Huang xin jia qi le film international le plus réaliste et riche que j'aie vu en termes de langues utilisés par les personnages. J'ai déjà évoqué chez Casablanca l'improbable quantité de personnages anglophones dans un Maroc occupé par les Français. Y'a des tonnes d'autres cas. Ici c'est une Japonaise et une Hongkongaise, parlant majoritairement anglais entre elles, qui visitent la France avec un guide... qui parle français avec ses collègues (et dans un anglais dégueu d'élève de 5eme quand il s'adresse au groupe). Ensuite on les retrouve au Maroc, épaulées par un guide chinois en babouches qui parle arabe aux locaux. Dans un blockbuster, ils parleraient tous chinois ou anglais. Heureusement Midnight Fly penche plutôt vers l'aspect documentaire, les langues s'enchaînent et ça paraît naturel, on ne lit même pas les sous-titres comme si on était un touriste de plus dans l'bus. Les répliques sont plutôt niaises, peut-être est-ce l'effet de l'intonation anglaise machinale (deux touristes asiatiques ne sont pas forcément bilingues, cela dit ça manque un peu de sincérité parfois) mais les décors superbes compensent la fadeur des protagonistes et font qu'aucune scène en extérieur n'est à jeter.



« Being in love is like drinking perfume. » Michelle (Anita Mui)



Midnight Fly est le nom du parfum que sent l'écharpe, celle que la japonaise prête à la hongkongaise pour se faire pardonner de lui avoir vomi dessus (premier contact entre les deux femmes).



« Salam aleikum, poulice. […] japounaise oula chinoise ? » bribes de l'enquête au Maroc.



Entendre « sur le pont d'Avignon » entonné dans un film HK, c'est paysant. C'est pas paysan, c'est paysant. L'inverse de dépaysant. Pour un mec de Saône-et-Loire, entendre parler de Beaune dans un film HK sous-titré en Anglais choisi au hasard, ça fait moyennement voyager. En parlant de voyages, l'évasion n'est pas le but recherché par tous les personnages. Miki ne voyage pas pour voir du pays, mais pour faire partager des moments avec son embryon avant l'avortement, prévu pour son retour à la maison. Cet enfant est celui d'un homme déjà marié, Michelle a un époux depuis plusieurs années mais ça se passe mal. Les discussions traitant d'amour, plutôt pessimistes, sont donc ce qui va rapprocher les deux femmes.


Le fait qu'elles partagent sans le savoir le même homme est prévisible mais ajoute tout de même du piment à ce morne tour du monde.


Risa Junna est belle autant qu'elle est plan-plan... une championne de la fonte en larmes. La romance c'est pas réellement mon truc, mais les émotions paraissent vraies et c'est ce qui compte pour moi. Je ne suis pas fait pour vibrer devant ton film ? Tant pis. Si le tout est suffisamment bien joué, ça m'intéresse quand même. Anita Mui joue à merveille la femme froide dont la carapace s'érode au fil des mésaventures, jonglant entre fierté et faiblesse.


Le mystérieux coup de feu me fait penser à la fin de la Haine, en tout cas chapeau Michelle. Finalement, une fois qu'elle a des couilles qui poussent, elle est badass, je peux même dire que c'est un personnage vachement cool. Et que les pleurs de Miki deviennent touchants, une fois qu'elle tient un cadavre dans ses bras au milieu du désert.


Cheung prouve sa maîtrise de pays dont on sait peu à Hong-Kong, même si je trouve un peu que le Maroc est diabolisé. De beaux plans parsèment ce film singulier et morne, que je recommande aux amateurs de drames, de ciné asiatique et de voyages.

Ginyu
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le 7 nov. 2015

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