Fais moi mal, ça fait du bien quand ça s'arrête !

C'est sensé être une adaptation moderne de Stendhal ou de Racine, on se croirait plutôt chez Chéreau. D'ailleurs, on dirait une répétition au cours Florent et ça ressemble à ça :

Bon, là, j'ai une super idée, c'est du théâtre mes enfants, du théâtre filmé. D'ailleurs je vais vous filmer caméra à l'épaule. Je pense qu'en une journée ou deux, c'est plié. Pas de temps morts mes cocos. Alors le pitch, je vous le fais vite fait : Elle - toi Sarah - tu débarques chez ton pote alors que tu viens d'enterrer ton papa qui n'a jamais su t'aimer. Ce gars il te plait et tu lui en veux qu'il n'ait pas cherché à te culbuter la dernière fois et tu comptes bien lui pourrir la vie tant qu'il t'aura pas dit pourquoi il n'a pas succombé et après vous pourrez consommer après une lutte interminable. « Se foutre sur la gueule, ça le fait » dit James, sorte de sosie de Stéphane Guillon. Tu lui en veux Sarah, tu lui files des baffes jusqu'à l'épuisement. Vous allez baiser je vous rassure, mais d'abord il faut que ça « fight », intellectuellement et physiquement, une baise platonique. Et puis tu comprends Sarah, c'est ta façon (un peu particulière) de faire le deuil de ton père. Cherche pas à comprendre, tu connais tes classiques et puis l'amour c'est brutal. Sans lutte, ce serait trop facile. Relisez Racine et Proust bordel !
Alors, les acteurs récitent parfaitement leur texte artificiel* et théâtral (blablabla) et le caméraman tourne autour d'eux, plan séquence. Formidable ! s'écrit le réalisateur : on gagne du temps et ça fait tellement naturel. Là tu l'étrangles, c'est ça la passion, et t'as le droit de dire aïe de temps en temps et toi aussi James. Vas-y Sarah, mets-lui un coup dans les baloches. Ça fait mal ça et c'est symbolique.
“Oui, mais ça fait vraiment mal quand même surtout que Sarah, elle retient pas ses coups”.
C'est ça l'idée, bonhomme, je veux vous sentir transpirer, haleter comme des bêtes et souffrir. “C'est excitant quand on sait pas comment ça va se terminer” assène James. Il est là, l'enjeu du film. Vous saisissez ?
22:07. Ils ont pas encore baisé mais ils ne parlent que de ça. C'est pour bientôt. Il reste 20 mn. Putain, une flaque d'eau et de la boue, si c'est pas une aubaine ça. Vous êtes des bêtes mes enfants, on simule pas là, on consomme. Stop, stop ! C'est bon ! Vous vous rhabillez, on va recommencer dans la maison. Des beignes et du sexe. Maintenant, vous vous aimez et vous êtes sexuellement dépendants.

“Voilà les affres de la passion charnelle selon Doillon, dans la lignée de Mme La Fayette ou de Stendhal”. C'est par cette légende grotesque que Télérama commente la photo de ce pénible film que je vous recommande si le pitch vous excite. Pour ma part, j'aurai préféré un ballet violent (à l'opéra), une danse contemporaine ou les corps se repoussent et s'attirent sur une musique appropriée, délesté de toutes ces joutes verbales grotesques et prétentieuses.

* La palme de la crétinerie pour les Inrocks : “Génial dialoguiste (on voudrait recopier et apprendre par cœur chaque réplique afin de briller, soi-même, dans son couple), Doillon a en outre l’intelligence de ne jamais se placer au-dessus de ses personnages. Comme chez Rohmer, la machine verbale est imparable, mais chaque élan porté y est vrai – fragile.”
Yeahmister
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le 7 déc. 2014

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