Quand la vulgarité fait sens

L’entreprise poursuivie par Mes Meilleures Amies est celle d’un burlesque qui se plaît à renverser les sujets nobles par un traitement bas : il en est ainsi du mariage, de la vie de couple, de l’amitié, de la relation mère-enfants etc. Paul Feig prend un malin plaisir à désacraliser les espaces consacrés, pire à se jouer de la blancheur ambiante pour y introduire, lentement, au cours d’un vaste crescendo, les petites taches qui en constituent l’envers du décor : une boutique de prêt-à-porter luxueuse est raccordée aux préoccupations terre-à-terre propres à chacune des femmes qui revêt ses robes, on se dérobe le micro pour parler la dernière et se sentir importante auprès de sa meilleure amie jusqu’à devenir ridicule, on déconcerte un policier par des actions volontairement répréhensibles. Tout repose sur le temps, sur la tension entre la durée d’une scène et le protagoniste qui ne semble pas vouloir en sortir, obnubilé par sa présence à l’écran. La répétition est omniprésente, les hésitations ponctuent un récit qui ne choit jamais dans le cliché linéaire mais est rattrapé par un élément burlesque qui vient casser la dynamique engagée (les ratons-laveurs en sont un bel exemple). Surtout, le réalisateur fait le choix génial d’inscrire son comique sur fond de rupture des classes sociales où l’amie d’enfance, par son mariage, va accéder à un rang qui lui fait convoiter une autre réalité que celle à laquelle elle a toujours aspiré, une autre meilleure amie que la fille à problèmes qu’elle connaît. Le vulgaire intervient alors pour rappeler que plus on s’éloigne – en apparence – du sol plus la chute risque d’être violente et risible ; il fonctionne comme levier de nivellement par le « bas » où l’on se trouve pourtant raccordé à notre nature première. Souviens-toi que tu es vulgaire.