"Je serais ton œil" écrit Maia à sa meilleure amie Liza qui vient de partir en France pour échapper à la guerre du Liban. La famille de Maia va rester à Beyrouth. Pour donner des nouvelles du pays, Maia va écrire des lettres à sa meilleure amie. Petit à petit, ces textes deviendront des carnets auxquels Maia rajoutera des cassettes, des pellicules, des photos et des titres de musiques qui lui permettent de tenir à travers les horreurs de la guerre. Des années plus tard à la veille de Noël, alors que Maia est désormais installée au Canada, elle reçoit un colis contenant toutes ses correspondances. Liza est morte, tout lui revient. Intriguée par ce colis précipitamment rangé au sous-sol, Alex, la fille de Maia, va découvrir en cachette les textes et photos de sa mère lorsqu'elle avait son âge. Un passé que Maia avait pris soin de ne jamais dévoiler.


Le film de Hadijthomas et Joreige me détruit à chaque fois que je le regarde. Il parvient à me créer un certain vertige quand je vois cette adolescente se plonger dans les souvenirs, les amours et les colères de sa mère. Ces souvenirs "matériels" filmés comme tels : des carnets, des photos abîmés, des cassettes... Alex va s'en saisir et les remettre dans l'ordre avec son téléphone. Elle va photographier les photos et les collages faits par sa mère, réécouter les musiques qui la faisaient danser avec son amoureux. À travers la galerie de son téléphone, elle réanime des souvenirs et remet en mouvements des images qui nous sont dévoilées comme des flashbacks. Dans ces derniers, les réalisateurs s'amusent comme des plasticiens à remodeler les images en jouant sur les imperfections et les dégradations des documents envoyé par Maia.


C'est dommage que ce ne soit pas plus développé dans le film, mais Alex va repartager ces souvenirs fraîchement "numérisés" dans son téléphone, avec ses amis qui sont loin d'elle pour les fêtes de Noël. Elle crée ainsi une seconde relation épistolaire, presque instantané, via ses discussions de groupe, où chacun réagit et commente une photo ou une citation des carnets de Maia.


Ce qui est également très intéressant dans le film, c'est la façon dont les carnets de Maia sont intimement liés à la ville de Beyrouth. Maia mélange ses textes avec des places de cinéma, des photos d'elle et de son amoureux, mais aussi des images provenant de magazine. Ces souvenirs qu'elle partageait avec Liza sont des collages qui vont dépasser la simple intention de donner des nouvelles du pays. Maia est témoin des dégâts causé par la guerre dans sa ville, et ses carnets vont devenir une manière de sauvegarder la ville. Lorsque l'on voit Beyrouth à la fin du film, elle est à l'image des carnets. La ville est un collage de maisons neuves et vitrées, d'immeubles en construction dont les grues montent jusqu'au ciel et de bâtiments plus anciens troués ou éventrés par la guerre.


Le film est une très belle réussite qui arrive à m'attraper et à m'emmener dans toutes les émotions qu'il veut faire passer. Je pense notamment à une scène où Maia et Raja et célèbrent un but de l'Italie en tirant en l'air avec une AK47. Cela crée un mélange très touchant d'insouciance et de violence qui fonctionne très bien sur moi. Il y aurait encore plein de choses à dire, mais je n'ai pas envie de m'attarder sur les petits défauts du film. Je vous le conseille, c'est très fort.

EddyAndre
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le 7 nov. 2023

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