Alors que la compétition du Festival de Cannes a bientôt dévoilé toutes ses cartes, de grands noms sont encore dans l’attente de leur petite heure de gloire sur le tapis rouge, comme Xavier Dolan, un de ces réalisateurs qui étaient très attendus lors de cette quinzaine. Le jeune prodige québécois de 30 ans n’en finit plus de sortir des films, avec deux long-métrages en l’espace d’un an. Ma Vie avec John F. Donovan était loin de faire l’unanimité, et ce Matthias & Maxime semblait donc comme se présenter comme l’opportunité d’une réconciliation, d’un retour à quelque chose de plus proche de ce que Dolan avait l’habitude d’offrir.


Le sujet, en lui-même, permet déjà d’évoquer les principaux thèmes de prédilection de Dolan, davantage évoqués dans ses premiers films. En se lançant dans Matthias & Maxime, on débarque dans un vrai film de potes, on suit ces soirées où on se raconte toujours les mêmes blagues et histoires, où on se chambre, où on joue au Time’s Up de manière endiablée, quitte à s’engueuler. Des soirées que l’on a tous vécu. Bien entendu, le cœur de l’intrigue n’est pas exactement là, se centrant autour de la relation entre Matthias et Maxime, deux amis de longue date, dont la relation va être durablement bouleversée par un baiser partagé suite à un pari, pour les besoins d’un petit tournage amateur dirigé par la petite sœur d’un de leurs amis. Tout l’enjeu du film est de partir de cet événement, qui n’est volontairement pas montré à l’écran, pour générer une tension latente et permanente entre les deux amis, qui continuent leur existence, et de se fréquenter.


C’est l’image d’un amour tabou, entre deux potes, deux hommes, au milieu d’une bande de potes qui n’a pas vraiment les mêmes préférences. On se fuit, on ne se parle pas. Matthias part à l’aube nager dans le lac situé à côté de la maison d’un de leurs amis, et Maxime prépare son départ pour l’Australie. L’un semble particulièrement affecté, dépossédé de ses moyens, quand l’autre semble continuer sa vie normalement. Xavier Dolan examine l’évolution de Matthias et de Maxime, cherchant à montrer leur incapacité à assumer cette relation, à illustrer le doute permanent qui les habite, face à ces sentiments qui chamboulent l’ordre dans lequel leur vie s’est construite. C’est surtout du côté de Matthias que l’on retrouve ce schéma, avec une fuite permanente qui se manifeste à travers une peur ou une colère incontrôlables.


Dans la démarche et l’intention, ce qu’expose Xavier Dolan dans Matthias & Maxime est intéressant. On comprend ce qu’il veut raconter, avec une volonté d’être plus terre-à-terre, avec un style plus rugueux, beaucoup de dialogues, et quelques rares envolées visant à illustrer les émotions vécues par certains personnages, ce que l’on peut voir régulièrement chez Dolan, comme dans Juste la fin du monde, pour citer un exemple récent. Toutefois, impossible de ne pas constater les répétitions, un côté « tourne en rond » assez fatigant, qui se manifeste notamment durant toute la première partie du film, avant que la seconde offre davantage de sensations et d’évolutions, et où Dolan se montre plus convaincant et à la hauteur de son talent. L’ensemble paraît bien inégal et un peu pesant, alors qu’on se rend compte que tous les éléments étaient présents pour créer quelque chose de vraiment vibrant et puissant.


Ce Matthias & Maxime laisse une drôle d’impression. L’impression d’un film qui avait l’intelligence nécessaire pour parler de son sujet, mais qui s’étale trop, qui se laisse trop aller pour totalement bouleverser le spectateur. On a quand même envie d’en savoir plus, de voir ce qui va se passer, même si on se doute assez aisément de ce qui va en découler. Reste alors un sentiment assez mitigé, celui d’avoir vu quelque chose qui était intéressant à certains égards, mais qui s’avère être, en définitive, un Dolan plutôt oubliable, ou, du moins, pas à la hauteur de ses films les plus marquants.


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le 23 mai 2019

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