Mais qu'est ce que cherche à nous raconter Nicolas Bedos pendant 2h15 dans ce film ? Il m'est difficile d'y répondre tant ce qu'il en ressort n'a pas spécialement d'impact. Hormis l'impression désagréable que le réalisateur voulait nous montrer à quel point il était fort et sortait des sentiers battus. Sauf que c'est bien plus complexe que ça de faire un bon film..


Si je pense ça, c'est d'abord par le cynisme désabusé qui ressort de Mascarade. Bedos a mis très en avant cette volonté de juger et moquer la grande classe ultra bourgeoise qui se badigeonne sur la Côte D'Azur. Que ça soit par le biais de faux semblants, de mensonges, de trahisons, et de mépris de classe. Pourquoi pas, c'est un sujet qui me parle. Mais le film semble être un fourre tout. Sa mise en scène volatile n'arrive jamais à trouver une personnalité : le montage est chaotique, en particulier les 30 premières minutes du film avec ces flashbacks inutiles et lourds du procès pour nous expliquer ce qu'il se passe à l'image, les séquence sont remplies de plans découpés ne laissant jamais la tension ou l'amusement prendre effet sur le spectateur, des travellings par ci par là, des plans à la grue ou au steadicam un peu partout aussi.. Mais sans jamais que ça procure une émotion esthétique. On a plus l'impression d'une volonté de capter l'attention en permanence du spectateur pour éviter qu'il s'ennuie. La scène de Pierre Niney qui danse en est une belle démonstration : plutôt que de juste nous laisser un plan de lui, ce qui aurait sûrement accentué le fait que Marine Vacht commence à tomber amoureuse, il découpe ça n'importe comment en faisant des raccords mouvements dans plusieurs décors. Sans que ça n'ait un quelconque intérêt. Mascarade ressemble donc, avec ces plans techniques et nombreux, à une pâle copie de films de gangsters légers et cyniques comme il pouvait y en avoir dans les années 80-90, mais sans jamais comprendre l'intérêt de la mise en scène.


La direction artistique reste cependant assez léchée, les décors sont bien trouvés, et le travail sur pellicule du directeur de la photographie Laurent Tanguy offre une esthétique graineuse plutôt sympathique au film. Je resterait seulement dubitatif quant à sa vision de la classe pauvre, illustrée par un décor de chambre au papier peint arraché et un lit sur le sol, cliché peu subtil et un peu erroné. Mais plus que l'image, c'est la mise en scène qui est problèmatique. Parce que Nicolas Bedos semble vouloir impressionner, mettre en avant sa capacité à sortir des sentiers battus dans la manière de raconter une histoire, mais il ne fait pas ça avec une singularité qui rendrait le film intéressant.


Mais parce qu'il l'intéresse avant tout, c'est son scénario, adapté par ailleurs d'un bouquin inachevé qu'il avait commencé à écrire. Sa volonté d'essayer de plonger le spectateur dans la tromperie et le sadisme de ses personnages. Mais les dialogues et les situations peinent franchement à convaincre, parce qu'on ne sait jamais où Bedos cherche à en venir. Que ça soit le plan machiavélique du jeune couple, des faux semblants dans tous les sens, la vision d'une bourgeoise ne vivant que par le public, l'histoire d'un agent immobilier riche et endeuillé, les mensonges, le plan de vol de bijoux et de tableaux, les flashbacks du procès (complètement inutile par ailleurs dans la narration), les réelles motivations des personnages.. Le réalisateur cherche à raconter trop de choses en même temps. Du coup, Mascarade devient très lourd à suivre. Le scènes à répétition en montage parallèle entre ce qu'il se passe avec Niney et Adjani, et Vacht et Cluzet finissent par être interminables tant Bedos use de ce procédé. Il rallonge la durée de son film en y apportant rien de neuf ou rien de ce qui a pu déjà être filmé auparavant. Les 30 dernières minutes sont si longues, et finissent pas être complètement incohérentes dans l'enchaînement des séquences.


Tout ça pour finir sur un sous texte un poil misogyne, et sur la capacité des femmes à faire les pires saloperies (sur les hommes comme sur elle-mêmes) pour parvenir à des fins qu'on ne comprendra jamais. Autant, avoir un sous texte misogyne ne me gênerait pas si le film était bien, il serait sujet à débats, mais là ça fait quand même 3 films qu'on sent que Bedos a une dent contre elles, et qu'il a du mal à mettre ça en scène avec maitrise. Et malgré la performance plutôt juste de tous les acteurs et actrices, la lourdeur de certains dialogues et l'incohérence de certains comportements rendent aussi leurs interprétations confuses. Mais pas dans une volonté de déstabiliser le spectateur sur les intentions, mais parce que l'enchaînement n'est pas cohérent. Il traite très peu les relations entre les personnages, qui aurait pour le coup été un champ de possibilités pour les juger de façon cynique et sarcastique.


Etait-ce le but du réalisateur de tant nous donner l'impression que rien n'a de sens ? Aurait-il fallu que ça soit peut être plus vulgaire ? Difficile de le savoir, mais son film transpire la prétention dans sa manière de raconter. Et son manque cruel de subtilité transforme Mascarade en film semi choral avec peut-être quelques scènes sympas, notamment celles de sexe bien qu'elles soient très formatées et banales. Mais elles ont parfois justement ce petit cynisme et dégoût que le film souhaitait avoir. Ah, et après le coup de la panne dans OSS 3, c'est la précocité dans Mascarade, décidément ! Et cette once d'ambiguité à la fin qui avait tout pour me plaire, est tout comme le reste du film, mis en scène avec la subtilité d'un éléphant et un discours surjoué par les avocats du procès (vraiment, je ne comprends pas pourquoi il existe.)


Bref, il n'arrive jamais à construire une ambiance qui serait profondément cynique voire sadique, alors que je pense que c'était son objectif. Le film est donc très oubliable, et rien ne marque dans les plans, ni dans dans ce qu'il a voulu constater ou dénoncer.

Guimzee
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le 8 nov. 2022

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