Mascarade retrace la rencontre de deux jeunes prostitués, Adrien, ancien danseur et éternel romantique, et Margot, une arnaqueuse professionnelle. Tous deux tombent amoureux et fréquentent les strass et paillettes du monde huppé de la Côte d’Azur. C’est alors qu’aidé de leur amie Giulia, Margot entraîne Adrien dans un plan d’arnaque. Elle veut séduire un riche homme d’affaires et tenter de l’épouser. Mais tout ne se passe pas comme prévu.

Le film commence par un capharnaüm de multiples scènes n’ayant aucun lien apparent entre elles et avec lesquelles le spectateur doit jongler tant bien que mal.

La première scène dévoile les deux protagonistes encore inconnus, tous deux vivant dans un chic appartement lorsque quelqu’un sonne à la porte. Margot ouvre et patatra... elle se prend une balle dans l’épaule. Qui a tiré ? On le découvrira à la fin du film.

Nous sommes ensuite projetés dans un tribunal où, en seulement 10 min de film, nous voyons défiler beaucoup trop de protagonistes, desquels on ne nous apporte pas plus d’éléments, et qui permettent d’introduire les personnages principaux. Le tout agrémenté de multiples flash-back dans un ordre aléatoire.

Le début du film est donc confus, les nombreux éléments donnés ne nous apprennent pourtant rien sur les personnages. Ce n’est qu’une énumération de scènes superposées qu’on nous livre en paquet et qui s'avère indigeste.

Le déroulement des autres scènes parait déjà plus calme et réfléchi. La rencontre entre les deux prostitués y est décrite ainsi que leur passion pour l’un et l’autre.

Ils se rencontrent lors d'une fête quelconque organisée chez l’amante de Simon, Martha. La présence de Margot y est inexplicable, mais pas moins inexplicable que leur scène de rencontre, étrange, où Adrien est embarqué dans la voiture de cette charmante femme qui le menace (très poliment) de rouler, tout en le masturbant (oui oui). Rouler pour aller où d’ailleurs, on ne le sera pas. Ils finiront par atterrir accidentellement dans l’étang de la villa. Cette charmante mise en scène se termine par Margot qui sort de la voiture en n’oubliant pas d'essuyer proprement le sperm de Simon sur le tableau de bord.

S’en suit plus tard, et parce qu’on ne va détailler les innombrables scènes surréalistes du film, le projet de l’arnaque qu’ils souhaitent élaborer ainsi que l’apparition et la découverte de nouveaux personnages.

Parlons-en, d'ailleurs, de ces personnages creux, antipathiques, et dénués d’une quelconque profondeur.

Tout d’abord, lors de la promotion du film, le propos se dit “profondément féministe”. Cela n’a pas l’air de sauter aux yeux lorsqu’on nous propose des personnages féminins superficiels comme Martha, jouée par Isabelle Adjani ou encore Margot interprétée par Marine Vacth.

Martha est une riche et célèbre actrice, odieuse et névrosée. Autour d’elle, on cède à ses caprices, on la complimente... mais tout n’est qu’artifice, elle est profondément seule, obligée de se payer un gigolo pour combler ce vide. Elle ne nous émeut pas, ne nous énerve pas non plus, c’est un accessoire sans grande valeur.

Margot est, elle, par son rôle de prostitué attirante simplement par son physique avantageux, loin d'être archétype du progrès féministe. Il a fallu en plus, qu’elle soit détraquée, capricieuse et perverse qui manipule n’importe qui. Encore une fois, un personnage sans relief, qui ne va plus loin que ce que l’on voit. Même son histoire d’enfance tragique et violente et son lourd passé avec les hommes ne peut justifier ce comportement et ne projette aucune empathie chez le spectateur.

Giulia, personnage prometteur joué par Laura Morante, semblait être attachante; une femme dans la fleur de l’âge, ayant perdu son restaurant (là encore il faut suivre), qui nous est sympathique de par sa générosité avec les protagonistes. Mais décidément, Bedos souhaitant systématiquement bâcler ces personnages, il a fallu que celle-ci, par soudaine amitié pour Margot, venant de nulle part, la foute à l’envers à tout le monde. Encore une fois pour le fric et la vengeance..

Merveilleuses sont les femmes de Bedos, amères et avides d’argent.

Le seul personnage féminin attachant est celui d'Emmanuelle Devos, Carole, de loin la plus touchante et censée du film. Dommage qu’elle n’apparaisse que très peu.

Les protagonistes masculins semblent être plus développés et pertinents. Adrien, interprété , plutôt brillamment, par Pierre Niney est un prostitué emprisonné dans cet univers exubérant, et qui se laisse séduire par Margot, qui partage elle aussi, à première vue, les mêmes désirs.

Un autre sentimental, Simon, joué par François Cluzet, se laisse, lui aussi, séduire par cette pseudo anglaise montée de toutes pièces par Margot et Adrien. Naïvement, il saute à pieds joints dans l’arnaque, quitte sa femme (alors que je le répète, c’est la seule femme saine du film) et s’embarque dans cette aventure. Ce personnage arrive bien tard dans la narration, à peu près au milieu du film, ce qui donne l’impression de ne pas être si important dans l’histoire, comparé à la place qu’on lui accorde sur l’affiche.

Très vite, tout s'enchaîne (attention suivez bien). Margot lui demande de se marier, il ne veut pas, elle lui dit qu’elle est enceinte, il lui demande d’avorter, elle l’emmène dans un bar, le drogue et profite de son black-out pour faire croire à la police qu’il la frappe. Personnellement, je n’ai jamais vu un film aussi profondément féministe.

Le film se termine par une prouesse cinématographique rondement menée par Bedos: clôturer toutes ces péripéties abracadabrantesques en seulement 5 min. Ici encore, la dynamique du début revient, avec des flashbacks , des allers et venus à travers les personnages le tout agrémenté de la voix-off de Pierre Niney. Un beau blogui-boulga d’infos qu’on nous crache au visage.

La scène du début nous revient pour expliquer qui a tiré et ce qu’il s’est réellement passé. Mais impossible de savoir vraiment, Bedos nous proposant une mise en scène des deux possibilités. Comme depuis le départ du film, nous assistons au procès de Simon et qu’il purge ensuite en prison, peut-être est-ce lui ou peut-être a-t-elle fait croire que c’était lui. Mais encore une fois, ce n’est absolument pas clair.

Tout ça pour nous dire que Margot à fait croire à la police qu’Adrien volait sa riche maîtresse, que Margot et Giulia sont parties toutes les deux en Italie. Comment? Pourquoi? On ne le sera pas.

Ironie de la mise en scène, le film se clôt sur un regard caméra de Marine Vacth, avec un sourire vide de sens, l’air de dire “ah ah voyez comme je suis maligne, vous avez compris?” alors qu’on a rien compris.

Alors plusieurs questions. D’où vient cette amitié soudaine entre les deux femmes? Margot avait-elle malgré son entourloupe, des sentiments pour Adrien? Cet amour était-il sincère? Qui a tiré sur Margot? Est-ce elle-même? Est-ce Simon? Et surtout, à quoi peut bien servir le personnage d’Adjani dans ce film?

Le film a, au moins, le mérite de ne pas être ennuyeux, avec malgré tout de bonnes idées, des dialogues dynamiques et parfois drôles, et de bons acteurs. L’esthétique soignée et colorée, typique de Bedos, est aussi à souligner.

Le film n’est donc pas si catastrophique mais n’a pas le monopole d’une bonne comédie dramatique et ne peut se revendiquer d'être engagé, ou abordant une quelconque revendication sociale, comme l’équipe du film semble le supposer.

alicedlc987
6
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le 8 déc. 2023

Critique lue 27 fois

alicedlc987

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