Un surprenant (mais réussi) Martin Eden italien

Martin Eden est un film italien, réalisé par Pietro Marcello, sorti en 2019. Il s’agit d’une (très) libre adaptation du livre du même nom de l’écrivain américain Jack London, publié en 1909.


Présentation


A la différence du livre en partie autobiographique écrit par Jack London qui se déroule aux Etats-Unis, au début du XXe siècle. Le film de Pietro Mercello se passe dans une Italie qui sort à peine de la 2nde Guerre mondiale, et qu’on pourrait placer, même si ce n’est pas clairement indiqué par le réalisateur, dans les années 60 à 70.


Le film commence sur un port. Comme dans le livre, Martin Eden (incarné par Luca Marinelli) soustrait un jeune homme inconnu des griffes de son tortionnaire. Pour le remercier, le jeune homme, Arturo Orsini, le présente à sa famille et l’invite à déjeuner. Martin, qui est marin depuis l’âge de 11 ans et n’a reçu aucune éducation, est ébloui par la richesse des Orsini et tombe immédiatement sous le charme d’Elena (Jessica Cressy), la sœur d’Arturo, une jeune fille qui suit une formation aux Beaux-Arts. En attendant le repas, il feuillette un livre de Baudelaire et lui dit gauchement aimer la poésie et vouloir écrire. Elena lui conseille d’abord de reprendre une formation ce qu’il fait, en partie pour lui complaire mais aussi par volonté de se sortir de sa condition.


Après des années de galère, de refus d’éditeurs qu’il a sollicités sans succès, son talent finit par être reconnu et il devient célèbre.


Entre temps, pensant qu’Elena est trop bien pour lui, il a épousé Margherita (Denise Sardisco), une femme du peuple comme lui. Mais il n’a pas oublié Elena.


Mon opinion


J’avais lu le classique de Jack London et je m'attendais à un film en anglais se déroulant aux Etats-Unis. J'ai donc été quelque peu surpris de découvrir un film italien qui se déroule dans l’Italie d’après-guerre.


Luca Marinelli, qui joue le rôle de Martin Eden, est magnifique et fait penser, par sa carrure, sa gaucherie et son côté sauvage, au Gérard Depardieu des débuts.


Comme dans la version de La peste de Luis Puenzo, film incompris que, personnellement j’ai adoré, tout est fait par le réalisateur pour nous dérouter. Où se passe réellement l’action ? A Naples, à Gênes ou à Rome ? Et surtout quand ? Les superbes images, qui mêlent images d’archives en sépia et images contemporaines évoquant le noir et blanc colorisé, désarçonnent le spectateur qui ne sait pas où situer le film ni dans le temps ni dans l'espace. On y voit une 4L Renault (sorti en 1961) et une DS Citroën (sortie elle en 1955), on y parle d’une guerre à venir (alors que le film semble se dérouler après la libération de l’Italie (25 avril 1945).... Il y a aussi cet incroyable contraste entre le mode de vie des riches (dont fait partie la famille Orsini, bien qu’elle se veuille « progressiste ») et celle des pauvres…


C’est un grand et beau film, aussi bien esthétiquement que pour les sentiments qu’il véhicule. La philosophie défendue par Martin Eden, heurtée, intransigeante, contradictoire évoque celle de Pasolini marquée par son engagement à gauche, mais critique acerbe des institutions et des partis qui l'ont poursuivi de leur vindicte jusqu'à (peut-être ?) le faire assassiner [Voir à ce sujet L'affaire Pasolini]. C’est en tout cas un film que je ne suis pas prêt d’oublier.

Créée

le 19 janv. 2020

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Roland Comte

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