Man of Steel était l’un des films les plus prometteurs de cette année. C’est aussi un des plus décevants. Le reboot de la franchise Superman peine à dissimuler sa morosité derrière des monceaux d’effets spéciaux.

Les films de Zack Snyder sont particuliers, bénéficiant d’une identité visuelle propre et d’un traitement généralement assez sombre, de l’atmosphère sanglante de 300 aux couloirs gothiques et aliénants de Sucker Punch. Epaulé du tandem Christopher Nolan / David S. Goyer (respectivement réalisateur et scénariste de la trilogie The Dark Knight), Zack Snyder offrait avec Man of Steel la perspective d’un très grand film, nourri des qualités de chacun.

Une série de bandes annonces quasi-Malickiennes (voir ci-dessus) ont achevé de peindre ce beau tableau, promettant un traitement pas forcément pertinent ni en lien avec son héritage « comics », mais très intéressant, du mythe de Superman. Nul besoin d’être un grand adepte de comics d’ailleurs, une simple connaissance grand public du personnage en ayant grandi avec les films de Richard Donner ou encore une de ces séries que l’on adore sans oser se l’avouer (Smallville, Loïs & Clark) suffisait à s’émouvoir de cette nouvelle sortie.

La déception est donc proportionnelle à l’attente, comme elle l’est souvent dans ces cas-là. L’alchimie ne prend pas. Où nous tremblions d’émotion devant les quelques images jetées en pâture il y a quelques mois, nous demeurons presque de glace devant ces 2h20 de grand spectacle dont le défaut principal est qu’il lui manque une âme.

Le traitement se veut humain, avec un focus fort sur les vulnérabilités de Clark Kent en tant que paria sur sa terre d’adoption. Superman peut-il être vulnérable ? Peut-être. Mais ici, tout est poussé à l’excès, retirant presque tout plaisir à voir notre super-héros évoluer dans un monde censé le rendre invulnérable. Il manque cette insouciance rassurante propre au personnage qui se voit dénaturé. Son évolution sent le déjà-vu, faisant quasiment écho à celle de Bruce Wayne dans Batman Begins.

Pourtant, Henry Cavill remplit son office avec efficacité, plutôt convaincant dans le rôle d’un Kal-El aussi torturé que solide. En face de lui, Michael Shannon (par ailleurs génial dans Take Shelter), haut en couleurs, apporte un peu de personnalité à leurs affrontements, tandis qu’un Russel Crowe malhabile et un Kevin Costner discret parviennent tous deux à inspirer sympathie et affection. Nous sommes bien loin du Jor-El distant et tyrannique de Smallville, par exemple, et regretterons presque que son personnage ne soit pas plus nuancé. Amy Adams, quant à elle, demeure toujours aussi charmante, et démontre assez de caractère pour incarner sa propre Loïs Lane prometteuse bien que l’on attende plus d’elle et de sa relation avec Clark par la suite.

Un traitement sérieux donc, et d’ailleurs dénué de tout humour, mais manquant également de cette poésie qui aurait pu rendre le tout plus léger. Un parti-pris qui plombe l’ambiance générale du film, principalement soutenu par son argument technologique, palliant son manque de saveur par des effets spéciaux impressionnants. En cela, les scènes de bataille sont effectivement grandioses, mais également interminables, et l’on aura tendance à s’ennuyer.

Après un prologue dynamique bien qu’un peu long, la construction du film continue pourtant de manière intrigante, alternant flash-backs et quotidien de Clark-Kent, avec un réel parti-pris de narration. Dommage que cette direction ne soit pas respectée au-delà de la moitié du film, pour s’étioler dans une linéarité désespérante. La promesse d’un film différent, réfléchi, ne se révèle que par parcelles, écrasée par la lourdeur de l’ensemble et par sa photographie désaturée. L’on retrouve difficilement l’univers de Zack Snyder, seulement présent par petites touches, et les éclatantes couleurs des pages de comics ne sont plus qu’un lointain souvenir.

La bande originale, signée Hans Zimmer, est probablement l’une de ses moins marquantes de ces dernières années, boudant le type de thème héroïque auquel l’on est habitué pour cette saga, mais sans toutefois lui créer d’identité sonore mémorable pour autant.

Ce Man of Steel, malgré de belles séquences et un casting convaincant, se révèle au final bruyant, fatigant et morne. On en ressort résigné, après avoir refusé l’évidence pendant la majeure partie du film : on s’ennuie.
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le 18 juin 2013

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