Ang Lee nous a montré au cours d’une filmographie hétérogène qu’il était capable du meilleur comme, si ce n’est du pire, tout au moins du médiocre (oui toi Hulk, je te regarde). L’on tend à retenir principalement Tigre et dragon ou Brokeback mountain, ses deux Oscars (meilleur film étranger, meilleur réalisateur), mais les prouesses techniques associées à L’Odyssée de Pi marquent le franchissement d’un cap supplémentaire dans la carrière de cet homme qui a su rester humble… mais ambitieux.

L’Odyssée de Pi aurait pu tomber dès 2003 entre les mains de M. Night Shyamalan (vu ses derniers films, on l’a échappée belle), Alfonso Cuarón (ce qui aurait probablement été tout aussi intéressant, mais son refus nous a valu l’immense Les fils de l’homme) ou encore Jean-Pierre Jeunet. Mais c’est finalement Ang Lee qui s’investira jusqu’au bout dans ce projet, dont la sortie aussi tardive permettra une utilisation pertinente de la 3D et une photographie époustouflante.

C’est d’ailleurs sa beauté visuelle qui saura, avant toute considération scénaristique ou de mise en scène, charmer et transporter l’audience. La 3D, loin d’être optionnelle pour une fois, apporte énormément de profondeur à de nombreuses scènes – une tempête en mer en devient sublime et terrifiante – au sein d’un film qui saura pourtant s’en passer au vu de la magnificence qui nous est perpétuellement offerte. Si Ang Lee, qui par ailleurs se joue des codes et adapte jusqu’à la taille de l’écran à ses caprices visuels, pourrait être accusé de trop en faire sur quelques passages, et si l’abondance de couleurs peut évoquer une certaine artificialité, ces exagérations de style seront rapidement pardonnées lors de l’émerveillement qu’elles procurent.

Au-delà de son argument visuel, L’Odyssée de Pi est également un conte philosophique. Raconté par son protagoniste principal à la manière d’un Big Fish ou Forrest Gump, celui-ci se vêtira des mêmes touches de poésie, voire de magie.

Empreint de douceur dès ses toutes premières minutes, il se revendique en tant qu’ode au respect de la vie dans toutes ses formes. Nous le découvrirons au travers du voyage initiatique que nous partagerons avec un jeune homme indien, Pi Patel. Car cette odyssée n’est pas que physique mais également spirituelle, portée par le charisme du jeune Suraj Sharma qui saura attirer l’empathie grâce à un jeu gracieux et juste. Ce cheminement métaphysique et religieux sur la valeur du lâcher prise, inspiré du bouddhisme, ne se revendiquera au final d’aucune croyance particulière si ce n’est la foi pure. La religion qui a ainsi une importance capitale dans l’aventure, et ce également à travers de nombreuses symboliques (l’arche de Noé n’étant que la plus évidente), n’est paradoxalement pas son propos principal. C’est avant tout un respect infini pour la vie qui se détache de tout élément de l’oeuvre, qu’il concerne le fameux Richard Parker (et sa symbolique pour Pi), les lois de la nature représentées par l’océan et ses richesses, ou la propre survie du héros.

Véritable chef-d’oeuvre, L’Odyssée de Pi se fait ainsi porteur d’émotions multiples, tant issues de notre cheminement personnel que du spectacle majestueux auquel nous avons eu la chance d’assister. Un des meilleurs films de l’année, et sans aucun doute, le plus féerique et splendide de tous.
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le 4 déc. 2012

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