Superman, père des supers héros, bergers des hommes, aux pouvoirs quasi divin et à la morale irréprochable. Le juste par excellente, le cristal d'innocence. Ne vous méprenez pas, le lien biblique sous-entendu ici trouve un écho particulièrement résonnant, et parfois lourd, dans Man of Steel. "Genèse" prend ici alors une tournure totalement évangélique. Genèse de Superman, mais Genèse d'un surhomme qui a d'abord dû apprendre à se mêler aux autres hommes. Et quand ces hommes, qui le prennent pour un Alien, lui demandent d'où il vient, nous pourrions presque nous attendre à un verset de la bible en guise de réponse : "mon royaume n'est pas de ce monde" (jean, chapitre 18, verset 36). Que Kal-el/Clark Kent soit le "fils de l'homme Jor-el", qui a envoyé son fils unique pour guider les hommes sur la terre, est bien entendu une évidence revendiquée dans la bande dessinée. Mais que le Christ en personne soit superposé à Kal-el dans la séquence de l'église, que ce dernier ait 33 ans (âge de la mort du Christ), et qu'il doive se livrer pour le salut des hommes, les coïncidences avec la Passion ne deviennent que trop frappantes. Le scenario n'a pas eu peur d'assumer cette métaphore divine. Au risque parfois d'aller loin dans les réinterprétations ou les invocations des Ecritures. On ne peut les en blâmer, le cinéma, puritain ou non, n'a cessé de puiser ses ressources esthétiques, iconographiques, ou dans une certaine mesure, scénaristiques, dans la bible. Pourtant ici, nous passons de la naissance du Christ/Kal, suivie par cette étoile que nous appelons "soleil", à la destruction apocalyptique de Metropolis. Attention aux écarts et au manque d'humilité. Pas forcément vis-à-vis de la bible. Mais les combats épiques que Superman va devoir endurer ne portent guère attention aux destructions, s'en jouant même parfois avec humour, et prétexte a un étalage technique virtuose. Mais passons ce détail, puisque les combats, épiques, réservent quelques perles de bravoures: surpassement, courage, honneur, dilemmes cornéliens. Tous ces attributs peuvent paraitre clichés. De toute façon certaines péripéties le sont, passage obligé pour toute genèse d'un super héros. Comme l'épisode du bus Scolaire, où le jeune Clark vient à la rescousse du véhicule accidenté. Mais de manière générale, la question du choix sera primordiale, dans l'essence même des plans et des séquences. Tout est résumé dans une scène grandiose où Superman doit soit laisser des innocents mourir, soit renoncer à ses principes et assassiner la menace. Son choix, et ses choix, vous les découvrirez en regardant le film. Les interprétations qui en découlent apparaîtront comme des évidences à vos yeux, synthèse d'un dilemme que Jonathan Kent/Joseph ne cesse de répéter à son fils: se fondre dans la nature et laisser les hommes à leur propre destin, ou prendre enfin ses responsabilités.
Pourtant, la réalisation semble ailleurs, et dépasse ces aspirations divines. Superman a un statut de dieu, rencontre forcément « choquante » pour tout mortel. Mais ici, c'est bien entendu le côté humain qui prime. Ou plutôt, le côté "rationalisant". La moindre brèche scénaristique des anciens Superman est comblé: origine du pouvoir, vie de Krypton, adaptation pour le jeune Clark à ses pouvoirs, découverte de ses origines, dans une obsession constante d'éviter le kitsch des anciens films. Evidemment, impossible de faire de Superman, tel Batman, un Eliot Ness combattant la mafia, tel que l’avait fait Christopher Nolan, producteur et scénariste de Man of Steel. The Dark Knight était régi par une "tyrannie du vrai", par une obsession pour le réel et pour le contexte socio politique : terrorisme, attentats, chaos. Superman est un héros plus "exotique", forcement rattaché au domaine du merveilleux. Et cela, Zack Snyder, à la réalisation, l'a compris. Il a transformé son Superman en super dispositif cinématographique, duquel nous adoptons souvent le point de vue: super écoute, vitesse qui permet l'ellipse, gestion tumultueuse des temporalités (le film repose sur un vaste système de flash-back et d'ambiguïté temporelle), super vision qui peut zoomer, découper, et même traverser. Les zooms dont le cinéaste se sert, à la limite de l'excès (mais "excès" n'est pas un mot qui fait peur à un réalisateur qui nous avait habitué à abuser des ralentis dans Watchmen), ne sont pas une démonstration gratuite de l'étalage technique du cinéma. Simplement un éloge des possibilités du cinéma, que permet un projet tel que Man of steel. Car la foi qui est avant tout prônée ici, c'est la foi dans le cinéma.