Malcolm & Marie
6.7
Malcolm & Marie

Film de Sam Levinson (2021)

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En attendant la deuxième salve de la série Euphoria, Sam Levinson et une partie de l'équipe de la dite série sont partis sur les hauteurs de Los Angeles tourner un huis clos avare de surenchères !

Fort de sa réputation de premier film à avoir été tourné durant la pandémie et donc dans des conditions restrictives et strictes (à savoir une équipe réduite, un décor unique, une économie de moyens) et bénéficiant d’un duo de stars très en vogue (Zendaya avec la série Euphoria et sa carrière musicale et John David Washington avec sa récente ascension grâce à Spike Lee et le Tenet de Nolan), Malcom & Marie promettait d’éveiller les passions une fois sa sortie sur Netflix. Les commentaires en amont de sa sortie suivi de la bande annonce, auguraient une long-métrage verbeux et extrêmement stylisé offrant néanmoins une place évidente aux deux comédiens, se posant comme rien de moins qu’une belle carte de visite et un joli tremplin pour la suite de leur carrière respective.

Fruit d’une expérience personnelle du réalisateur Sam Levinson (fils de Barry), déclaration d’amour à peine masquée à son interprète féminine principale et muse en la personne de Zendaya et mise en abîme encore moins détournée de la condition d’un cinéaste émergent (et donc Levinson lui-même) dans le Hollywood actuel et très vite une embarrassant sentiment se gagne au fur et à mesure que la pellicule se déroule devant nos yeux, découlant sur la question suivante : tout cet effort ne serait juste pas qu’une coquille vide ?

Alors oui, plastiquement et esthétiquement Malcom & Marie est un produit d’une beauté sidérante qui renvoie au placard une grande partie des productions Netflix sorties à ce jour, oui la mise en scène fait preuve, par moment, d’une grande inventivité (jeux de miroir, travellings latéraux, plans séquences et plans fixes diablement bien composés qui ne cessent de raconter la perceptible dualité du couple et ce concours d’égos qui les laisse s’entredéchirer). Elle réside d’ailleurs dans ce dernier élément, l’une des faiblesses assez irritante de ce troisième film de Sam Levinson : le manque d’empathie lié aux personnages dû à leur caractère nombriliste et autocentré.

Du début à la fin, le récit va s’articuler comme l’affrontement entre deux individualités qui ne cessent de s’enfermer dans des discours qui reflètent leur incapacité à se détourner de leur personne, de leurs sentiments, de leurs besoins, de leur carrière, et la liste est longue. Bien que le personnage de Marie expose une fragilité qui devrait mener à s’identifier à elle (et à ce titre reste indéniablement le personnage le mieux écrit), l’écriture de Levinson, constamment canalisée sur des futilités à la limite de l’égotisme, étouffe la caractérisation de ces deux personnages qui n’ont finalement que très peu de scènes (voire aucune) pour exister. Ils deviennent des pantins, des marionnettes qui s’agitent le temps de leurs tirades (parfois interminables) orchestrées de manière bien trop mécanique et théâtrale.

A la vision de ce spectacle de performances à la fois vocales et physiques, la répétition de ce schéma itératif va à avoir tendance à saboter le fil conducteur de la narration qui en devient ampoulé et particulièrement prévisible. La structure du métrage s’opère autour d’un match d’intenses échanges volubiles qui ne font que monter crescendo dans une hystérie générale dans laquelle semble se complaire le cinéaste et ses comédiens, conscients d’être en pleine capacité de leurs moyens mais qui oublient de donner vraiment corps à leur petit numéro.

Le trio va pourtant, plus d’une fois, se montrer inspirés et offrir de vrais moments de cinéma au travers de scènes teintées de tendresse et d’une rare sensibilité. Zendaya et Washington, lorsqu’ils ne sont pas à vociférer leur texte et libérés de la tutelle de cette partition endimanchée et frelatée, dégagent une telle sincérité et complicité, spécialement dans leurs ébats amoureux qui sonnent comme des bouffées d’air frais dans ce tohu-bohu.


Les deux épisodes spéciaux d’Euphoria sortis peu de temps avant et présentant une structure similaire prouvent que d’une certaine manière, ce Malcom & Marie a été peut-être réalisé trop précipitamment. Tourner dans l’urgence donne parfois de belles surprises, malgré d’indiscutables qualités, Malcom & Marie n’a pas tout à fait réussi son pari ; et si la coquille n’est pas vide, les œufs sont bien brouillés.

  • Drame
  • Huis clos
Jogapaka
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le 23 mai 2023

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Jogapaka

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