Alors que nous vivons des temps tout à fait inédits, le cinéaste suédois, Roy Andersson, revient au cinéma avec un projet qui rappelle ses précédentes œuvres... peut-être trop même



En ces heures plutôt sombres pour l’humanité et où toute ses structures sociétales et économiques subissent les coups virulents d’une pandémie oppressive, Roy Andersson, cinéaste tragi-comique sur l’absurdité et la banalité de notre société et de ses acteurs, offre un nouvel aperçu de sa vision de l’humanité dans About Endlessness, couronné d’un Lion d’argent du meilleur réalisateur à la dernière édition de la Mostra de Venise.


Dans cette fable qui se veut à la fois, triste, drôle et poétique, le suédois, comme à son habitude, dépeint une myriade de séquences mettant en scène divers personnages, toujours introduites par une voix off féminine. Cette répétition vient structurer l’intention du réalisateur qui est de mettre en scène la condition humaine dans tout ce qu’elle a de contradictoire et d’incongrue. Que ce soit un prêtre en crise de foie ou un dentiste désabusé, About Endlessness illustre tout ce que l’homme moderne incarne dans un monde de plus en plus morose et gris (à l’instar de la photographie et de l’étalonnage). Le long-métrage n’est, pour autant, pas une diatribe sur le genre humain ou un récit misanthrope sur notre société. Andersson maîtrise indéniablement ce ton aigre et tendre qui fit sa renommée et qui rend, encore aujourd’hui, ses œuvres uniques.


Si le cinéaste suédois maîtrise habilement son sujet, il tend tout de même, comme certains autres réalisateurs confirmés depuis belle lurette, vers une forme de battologie. Il n’est plus nécessaire, aujourd’hui, de répéter au combien Roy Andersson est un metteur en scène doué, dont le talent a été mainte fois salué et récompensé par le passé. Il n’est plus nécessaire non plus de commenter ses précédentes œuvres où le suédois a prouvé son savoir-faire technique (plans séquence, plans fixes, composition de plans, …) et, surtout, sa faculté à mettre en lumière de manière si singulière le prosaïsme du quotidien. Alors quand Andersson nous gratifie d’un de ses nouveaux projets, il est compréhensible d’espérer que l’effort offre un nouveau regard sur son œuvre. Or, About Endlessnes, semble à cet égard, bien fade. Si le film évite l’ennui profond, l’indifférence aura tendance à venir titiller, au bout d’un moment, l’esprit du spectateur. Comme si du haut de sa grande carrière déjà bien remplie, cet artiste si inspiré par le passé, se contentait de répéter une formule qui aurait perdue de son aura magique.


Si la déception est présente, elle reste compensée par une expérience visuelle toujours aussi exaltante (combien même on serait familier avec l’œuvre d’Andersson) et par certaines situations d’une justesse comique et absurde délectable. La poésie du film ainsi que les thématiques chères au cinéaste dont le propos est toujours aussi contrasté et ambiguë contribue à proposer une expérience cinématographique non dénué d’intérêt. Sachant que les salles de cinéma ont besoin de leurs spectateurs plus que jamais, About Endlessnes paraît constituer un choix avisé contenu de la sélection maigre en terme de nouveautés. C’est un moindre prix à payer pour que les cinémas continuent à exister, pour l’éternité.



  • Drame

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Jogapaka
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le 17 août 2020

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Jogapaka

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