Le mal de pierres est l’autre nom pour parler de calcul rénaux. Ce mal, c’est Gabrielle (Marion Cotillard) qui l’a. En plus de ça, elle dérange dans sa famille. Sa vision de l’amour romanesque ne correspond pas aux attentes de ses parents, qui préfèrent la voir se marier le plus vite possible et lui choisissent José. Alors qu’elle est envoyée en cure thermale en Suisse, elle fait la rencontre d’André, l’homme dont elle rêvait. Son but désormais est de fuir pour vivre une relation passionnelle dans ses bras.


Le pitch n’a rien de faramineux à nous promettre, on est d’accord. Mais ce qui est plus regrettable c’est le traitement cinématographique de Nicole Garcia. Sa foi en le classicisme inonde le film et le tire malheureusement vers le bas, au lieu de transcender des personnages riches en émotions. Les décors sont beaux, la lumière aussi, les cadres sont propres mais rien ne nous interpelle, rien ne dépasse de l’ensemble. Le film s’affole légèrement lorsque le personnage d’André entre dans la danse et que le déraisonnement amoureux contamine timidement la pellicule (notamment une très jolie scène de sexe). Mais tout retombe avec la dernière partie du long-métrage qui dévoile un improbable twist pas aidé par la mise en scène. A trop vouloir se sécuriser sur la forme, on décroche d’une histoire elle aussi bien classique. Si en soit l’idée du retournement de situation colle avec l’envie d’évasion de Gabrielle, encore une fois la mise en scène ne met pas en valeur cette bifurcation soudaine.


Lorsqu’il n’y a plus de mise en scène, il y a Marion Cotillard. Tout en intensité, son corps semble possédé par les pulsions sentimentales qu’elle éprouve. Son rôle rappelle notamment celui qu’elle avait dans The Immigrant, le dernier film de James Gray. Il faut dire que l’actrice française a la capacité d’endosser des rôles dans le genre, faits de désirs, de bouillonnements volcaniques intérieurs. Outre la performance de la désormais abonnée au Festival de Cannes, la vraie surprise au casting est l’excellent acteur espagnol Alex Brendemühl qui joue José, le mari par défaut de Gabrielle. Plus que cette dernière, ce personnage est le plus intéressant du film car il veut faire de son mieux mais subit les agissements de sa compagne. La détermination qu’il affiche dans un premier temps pour être un bon mari contraste avec la fougue de sa femme, avide d’aventures. Même lorsqu’elle lui avoue vouloir partir, il est là, encore pour la soutenir comme dans cette très jolie scène où Gabrielle découvre que ses lettres ne sont jamais arrivées chez André. Elle ne l’aime pas et le film esquisse la possibilité que lui est désormais attaché. C’est dans la dernière partie du film qu’il gagne en épaisseur et devient le protagoniste le plus intéressant d’un récit bien morne.



« Des corps passionnés animés par des sentiments complexes dans un film à la forme si banale qu’elle nous plonge peu à peu dans une profonde léthargie»



Au final la passion ne prend forme que dans le jeu des acteurs. Rien ne s’incarne par la caméra hormis ce que des corps veulent nous dire. Certes, la direction d’acteurs fait partie du cinéma et on reconnaît que Nicole Garcia s’appuie admirablement sur son talentueux trio principal (Louis Garrel, que l’on n’avait pas encore cité, est vraiment bien). On ne retiendra donc que ça : des corps passionnés animés par des sentiments complexes dans un film à la forme si banale qu’elle nous plonge peu à peu dans une profonde léthargie. Un mal incurable, dans le cas ci-présent.


Par Maxime, pour le Blog du Cinéma

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le 19 oct. 2016

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