Un major d'hommes guère domestique

En plus de remplir ses promesses (un vrai western de mâles : Peckinpah, Heston, Harris, Coburn), Major Dundee propose un couche de lecture supplémentaire des plus agréables, puisqu'au film d'aventure se superpose un discours mûr et réfléchi sur l'art d'exercer une autorité. La capacité à mener des hommes.

Et voilà bien un sujet que j'adore.

L'histoire tourne en effet sur cet officier qui ne veut se résoudre à rester là où on le consigne (diriger une camp-prison remplis jusqu'à la gueule de confédérés) et décide de mener une expédition punitive contre une troupe d'indiens belliqueux qui s'est rendu coupable du pillage en règle d'un fort (avec toutes les options : massacre de femmes et d'enfants).

Le scénariste Harry Julian Fink se sert de ce point de départ classique pour dresser le portrait d'un militaire plus complexe qu'il y parait au premier abord. Très vite, en effet, on comprend que ce n'est pas la vengeance qui dicte sa conduite. En tout cas pas celle concernant les victimes. Si vengeance il y a, c'est contre sa hiérarchie ou même son propre destin. Et ce ressort, si rarement exploré, permet toutes les folies.

Car Dundee (Heston toujours autant séduisant à l'écran que repoussant dans ses prises de positions privées) doit d'entrée de jeu prendre tous les risques (puisque son opération n'est pas demandée ni vraiment autorisée) et composer une équipe pour le moins hétéroclite. D'une troupe composée de prisonniers ennemis, de noirs volontaires, d'alcooliques en quête de dollars et de jeunes bleus inexpérimentés, il devra faire une compagnie suffisamment soudée pour arriver à ses fins. Et voilà bien l'enjeu et le plaisir principal du film. Ne nous y trompons pas : le reste n'est que prétexte.

Un chef qui ne s'assied que sur son titre pour exercer sa fonction se fait presque toujours déborder par ses hommes, quantité de (souvent bons) films l'ont illustré. Il faut bien plus à tout-un-chacun pour emporter l'adhésion, et c'est d'autant plus vrai lorsque le but fixé est dangereux ou à tendance personnelle. Dans le cas qui nous occupe, c'est l'un et l'autre.

C'est donc la principale qualité du film que de décrire habilement les rouages du leadership pratiqué par Dundee. Quels sont les principes sur lesquels on ne transige pas ? Quels sont ceux on au contraire on peut lâcher un peu de lest ? Comment gère-t-ton les conflits internes (entre confédérés et noirs, entre soldats et mercenaires...) ? Comment tolère-t-on les écarts ou prise de position de ses seconds (Tyreen le confédéré ex-ami, Hutton l'éclaireur indépendant, le lieutenant Graham jeune, novice mais plein de ressources) ? Quelles soupapes tolère-t-on ? Quel exemple montre-t-on ?

C'est à toutes ces questions passionnantes que le ce film réussi répond intelligemment, en plus de nous montrer du pays (on va effectivement trouver de l'indien, du mexicain, du français, du sudiste, de la tunique bleue et de la belle ex-femme de docteur délaissée...).

C'est ce qui rend ce western d'un Peckinpah quasi-débutant si riche, aboutit et réussi. En plus, la version DVD (souvent peu chère dans les bons magasins) présente une version non censurée. Raison de plus de se jeter dessus.

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le 12 juin 2012

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guyness

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