"Les vieillards modérés, doux, indulgents, passent une vieillesse qui n'est pas sans bonheur...

... tandis que l'homme d'un caractère difficile et chagrin est malheureux à tout âge." Cicéron, De senectute


J'avoue, je m'apprêtais à dire du mal de ce film. J'y allais pour me moquer, pour me gondoler du rire mauvais de l'esthète qui se délecte des films d'auteur où il ne se passe rien, si ce n'est un léger tremblement du paysage.


J'avais déjà fourbi mes punchlines. Comme titre :



UN ORPÉA CINEMATOGRAPHIQUE



. Comme première phrase de ma critique :



Les biscottes du rire nous sont comptées.



Mais cette attitude de dérision a très vite fini par me lasser et j'ai décidé de chausser une nouvelle paire de lunettes, les lunettes de la positivité et de la bonhommie.


Au début, évidemment, en voyant la tête de Kev Adams, j'étais d'humeur exécrable et mes lunettes ne fonctionnaient pas. Puis, petit à petit, le film a commencé, comme disent nos amis anglais, "à grandir sur moi". Il y a une fragilité inhérente à la condition des personnes âgées qui fait qu'il est difficile de ne pas s'intéresser à leur vie (qu'elle soit réelle ou fictionnelle), à leurs histoires, à leurs joies et leurs peines, à leurs petits drames et à leurs petites gloires. Il faut dire que ma lecture récente du dernier Houellebecq, Anéantir, m'avait déjà sensibilisé à ce thème de la vieillesse. Le grand romancier évoque cette question des maisons de retraite, des EHPAD, de la maladie et de la fin de vie. Comment permettre aux personnes âgées de terminer leurs jours dans le bien-être et la dignité ? Que penser d'une société qui traite ses vieux de manière aussi inhumaine et barbare, au nom du profit ? Faut-il juger un corps social à sa façon de traiter ses membres les plus vulnérables ?


Lilian Rovère, Firmine Richard, Mylène Demongeot, Daniel Prévost, Marthe Vilalonga, Jean-Luc Bideau, Gérard Depardieu, sept vieux qui forment un aéropage des plus sympathiques. Que dis-je un aéropage ? Un septuor de seniors tout à fait supérieur. Ces acteurs, vraiment vieux, jouent vraiment bien les vieux tandis que Kev Adams, cet acteur plus si jeune, joue vraiment faux le vrai jeune. Rien ne va dans son jeu, qu'il essaie d'être dans la blague ou dans l'émotion. Le contraste avec Depardieu est saisissant. Quand ils se trouvent tous les deux en même temps à l'écran on a l'impression qu'il y a un bug d'affichage.
Mais peu importe, parce que Depardieu a obtenu aujourd'hui une sorte de trophée d'immunité permanent. Il y a une AOE autour de Depardieu qui englobe les autres acteurs et les immunise contre les coups critiques de toute acerbe critique. Même Kev Adams. De toute façon mes lunettes de la positivité et de la bonhommie se sont mises à fonctionner. A chacune de ses apparitions, elles floutaient automatiquement son visage et, je ne sais trop comment, mettaient sa voix sur mute.


Enfin, la raison pour laquelle je ne peux pas dire de mal de ce film c'est que Libération l'a complètement éreinté, avec violence, le traitant d'horrible navet. Et je tiens à dire ceci avec sérieux et solennité, ce sont des paroles graves, que je frémis presque de prononcer : je préfère faire l'éloge d'un film de Kev Adams, avec Kev Adams, plutôt que d'être d'accord sur quoi que ce soit avec Libé.


J'attribue la note de 5 biscottes (réclamées avec insistance) sur 10 à Maison de retraite.

LeJardindesIdees
5

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le 18 févr. 2022

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