Opéra ba-rock, musiques loveuses...

Un biopic résolument original, délirant et flamboyant. Quatre ans après le somptueux Music Lovers ( adaptation cinématographique retraçant le parcours singulier du célèbre romantique Piotr Ilitch Tchaïkovski ) le cinéaste Ken Russell signe ce magnifique Mahler, hommage brillant au compositeur éponyme. Connu pour son sens de l'excès et de l'étrange et sa prédilection pour la grande musique Russell tire de la vie du symphoniste un résultat tout sauf conventionnel, alternant entre l'onirisme, le réalisme et le symbolisme avec une maîtrise implacable.


Ken Russell construit cette biographie filmique en nous installant d'emblée dans l'univers mental de Gustav Mahler, nous plongeant dans sa boîte crânienne au gré d'un montage absolument brillant et tout à fait audacieux pour son époque : entre rêves, réminiscences, fantasmes et prémonitions les images traduisent avec générosité l'instabilité et l'effervescence créatrice du chef d'orchestre. L'introspection revendiquée par le réalisateur britannique échappe à l'aridité émotionnelle dans la mesure où ce superbe Mahler privilégie davantage l'esthétique, la poésie et le baroque au constat psychanalytique ou à l'étude comportementale lourde et rébarbative. Le montage, rien de moins qu'un immense flashback à la fois décomposé, très complexe, et parfaitement limpide, se voit souvent traversé de fulgurances visuelles et musicales, virtuose équilibre de singularité et d'universalité. C'est proprement renversant, étonnant et atypique !


Sa glorification de la Nature, ses interrogations sur Dieu, sur l'Amour et sur la spiritualité, sa vie sentimentale chaotique, son enfance vécue comme une humiliation, ses Symphonies aux titres évocateurs et souvent controversés... Le biopic de Ken Russell parvient à traduire avec une élégante fidélité la vie de cet amoureux exclusif, de ce mélomane torturé superbement incarné par Robert Powell. Le film n'a pas peur de mélanger les genres et les effets, s'offrant même parfois le luxe de tomber dans le grotesque et la parodie : la scène de conversion de Gustav Mahler au catholicisme en est un bel exemple, outrancière voire provocante dans son pied-de-nez à Wagner et à son antisémitisme notoire. La photographie, ravissante jusque dans son utilisation du Technicolor, sert à merveille la puissance évocatrice de la musique mahlerienne, pour finalement faire corps avec elle dans une sidérante maestria.


Un très grand film en définitive, typique de son auteur et prodigue en visions mémorables et peu banales. On voit littéralement la vie de Gustav Malher défiler devant nos yeux et près de nos oreilles, comme une ultime symphonie embrassant toute une destinée haute en couleurs. A voir absolument.

stebbins
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le 14 avr. 2021

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stebbins

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