Mahjong
6.9
Mahjong

Film de Edward Yang (1996)

Le monde se divise en deux catégories de personnes, les menteurs et les imbéciles

Mahjong c'est l'avant dernier film du génie Edward Yang, juste avant son chef-d'oeuvre Yi Yi. Peut-être son film le moins bon avec Confusion chez Confucius, mais qui possède tout de même les qualités que Yang arrive toujours à insuffler dans ses films.


L'histoire c'est encore et toujours la même, celle qu'il a commencé à traiter depuis Ce jour-là sur la plage et dont il explore et approfondit les facettes au fil des films. Cette histoire c'est celle du mystère des relations humaines et plus précisément celle entre les femmes et les hommes.


Le cinéma de la nouvelle vague taïwanaise est un cinéma profondément marqué par l'histoire de l'île. Dans ce film, c'est un Taïwan moderne et urbain qu'on nous présente avec la ville de Taipei, un Taïwan englouti dans le capitalisme. Dans ce monde, soit on est malhonnête et on survie, soit on est honnête et on meurt. La bande des quatre garçons qu'on suit va ainsi passer son temps à mettre en place des combines pour profiter de la crédulité (notamment religieuse) des citadins. La règle d'or étant de ne jamais laisser le cœur prendre le pas sur ses actions. Il y a donc un rejet explicite de tout amour, car ce dernier ne mènerait à rien d'autre qu'à la ruine.



"N'embrassez jamais une fille, ça porte malheur."



D'ailleurs seuls deux personnages dans le film ressentent de l'amour et ce sont les deux seuls qui sont honnêtes. Toutes les autres relations entre ces hommes et ces femmes sont soit d'ordre économique soit d'ordre sexuel. Les hommes objectifient les femmes et les femmes font de même avec les hommes. La sincérité est vouée à l'échec, car l'amour mène à la misère. Le père d'un des jeunes l'ayant quitté pendant l'enfance, a passé son temps à être infidèle. Les parents des autres jeunes ne sont même pas montrés donnant le sentiment que ces jeunes sont orphelins. Leurs problèmes remontent donc plus loin qu'à leur propre personne. De plus, le seul précepte de vie de ces jeunes étant hérité du père malhonnête de l'un d'eux, le propos que développe Yang est aussi celui de l'importance de l'éducation.


Pendant la rencontre entre le jeune et son père, ce dernier lui avouera l'inutilité de sa quête d'argent, de sa vie malhonnête et le fait que malgré ses richesses, il n'est pas heureux. Quelque chose qui ne frappera le personnage que plus tard, lorsqu'il découvrira le suicide de son père.


Mais de manière globale, ce que le réalisateur met en avant dans ses films, c'est l'échec d'une société qui est enfermée dans un cercle vicieux. Ces jeunes personnages sont le produit de cette société, en étant devenus prisonniers de leur matérialisme et rejetant toute forme d'affection, car ils n'en ont jamais reçue (de leurs parents). Leur parcours va les mener à mépriser et regretter la vie qu'ils ont menée et à souffrir en conséquence.
Finalement, la question qui revient dans les films de Yang et aussi dans celui-ci, c'est si le bonheur est encore possible pour les Hommes dans cette société consumériste qu'ils ont eux-même bâtie.


Malgré tout, quelques points rendent ce film moins excellent que les autres, parmi eux il y a notamment Virginie Ledoyen. Je sais pas si c'est juste moi, mais elle semble jouer vraiment mal. Il y a aussi un côté un peu trop disons littéral et explicite dans ce film.


Je pense notamment au discours sur le rejet de l'amour, ou à la scène où un des jeunes tue l'homme d'affaire en lui faisant la morale sur son comportement d'arnaqueur.


Le côté contemplatif de ses autres films (comme Taipei Story) n'est pas vraiment présent. Donc bien que le propos soit toujours intéressant, il est bien moins marquant. Et une fin un peu trop cliché à mon goût. Non pas dans l'écriture, mais plutôt dans la façon dont elle est faite. Confusion chez Confucius a quasiment la même fin, mais elle y est beaucoup mieux pensée avec cette scène de l’ascenseur.

Quinlan-V
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le 22 août 2020

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