Ceci est un Magnum 44, le plus puissant revolver du monde. Il pourrait vous arracher la tête comme le vent vous enlève votre chapeau. Vous vous sentez à votre aise ?




L’homme sage est celui qui connaît ses limites



Magnum Force est le deuxième épisode de la saga "L'Inspecteur Harry" dans lequel Clint Eastwood retrouve le personnage emblématique de Callahan dit ''le Charognard''. Une suite délaissée par le cinéaste Don Siegel au profit du réalisateur Ted Post, qui sous l'écriture conjuguée de John Milius et Michael Cimino, va poursuivre de manière plus claire la psychologie entourant son héros controverse. Une critique polémique dressée par quelques bien-pensance de l'époque comme le New Yorker, ou encore Le New York Times (pour ne citer qu'eux), qui accusaient L'inspecteur Harry de promouvoir une idéologie fasciste par une répression immorale à la gloire d'une vision conservatrice s'opposant fortement au libéralisme et aux droits acquis et protégés par les institutions établies. En réponse, cette suite exploite adroitement l'homme qui se cache derrière le prétendu justicier, sa méthode autocrate, ainsi que son impact politique réactionnaire en démontrant une opposition éclairée. Une dualité métaphorique qui met en relief par un effet de contraste la complexité humaine qui ne peut simplement se résumer par une critique primaire et caricaturale du bien et du mal. Harry n'est certainement pas un tyran. La loi est la loi, c'est elle qui fait les règles. Des règles importantes garantissant une structure suffisamment solide pour maintenir tout un pays. Le problème vient du système juridique devenu extrêmement friable et libérale, si bien qu'il ne cesse de commettre des injustices au point de ne plus protéger efficacement les innocents. Une faiblesse dans laquelle s'engouffre des criminels qui restent impunis et que Harry déteste.


Pour réparer les torts, Callahan devient une nécessité devant nettoyer les imperfections procédurales en s'occupant lui-même du sale boulot. Le charognard d'un état de droit faillible auquel il obéit en tant qu'homme, mais déteste en tant que flic confronté à la réalité du terrain. Harry exècre le désordre occasionné par cette imperfection et les nombreuses injustices qui en découlent et qui l'obligent à devoir agir.
- Critique du système judiciaire américain, oui !
- Remise en cause des acteurs principaux qui s'y complaisent sans une once de recul favorisant aveuglément une idéologie à une réalité, assurément !

- Détermination à mettre un terme aux droits et aux lois, non ! 
- Motivation à créer un système dictatorial, grotesque !
- Volonté de voir évoluer un système devenu malade en revenant à une justice devant reconnaître ses torts pour mieux les corriger et revenir à un système assurant la sécurité et l'intérêt des victimes, totalement !
Harry Callahan est une synthèse idéologique intelligente conciliant la thèse et l'antithèse d'un système judiciaire défectueux. Un entre-deux savamment orchestré autour d'une riposte intelligente offrant un thriller policier sociologique et non fasciste. En témoignent les excellents dialogues, dont les échanges entre Callahan et son supérieur le lieutenant Briggs (Hal Holbrook), qui ne laissent aucune place au doute :




  • Il y a 100 ans, la population a déjà créé des comités de vigilance. L'histoire a justifié cette initiative. Aujourd'hui c'est pareil. Tout individu qui menace la sécurité de nos concitoyens doit être exécuté. Le mal pour le mal, Harry. Châtier les méchants.

  • Très bien, mais le meurtre est-il la solution ? Lorsque les policiers commencent à vouloir faire les justiciers, vous savez ce qui arrive ? Bientôt vous commencerez à abattre des gens qui traversent en dehors des passages réservés et à descendre des automobilistes pour stationnement interdit. Ensuite vous massacrerez votre voisin dont le chien a pissé le long de votre clôture.

  • Nous n'avons pas tué un seul homme qui n'est pas mérité d'être abattu.

  • Si, il y en a un : Charlie McCoy !

  • Alors, qu'auriez-vous fait ?

  • J'aurais appliqué la loi.

  • La loi. Qu'est-ce que vous connaissez de la loi ? Vous êtes un excellent policier. Vous aviez l'occasion de vous joindre à notre équipe. Mais vous stagnez dans le vieux système.

  • Je vous jure que je le déteste ce vieux système. Mais tant qu'on ne m'aura pas indiqué un système plus convaincant, je n'en connaîtrai pas d'autres.

  • Les flics comme vous, c'est périmé.



Pour jouer sur cette ambiguïté ô combien importante, Magnum Force dresse un récit dans lequel Harry est confronté à un mystérieux motard appartenant aux forces de l'ordre, qui tue sans la moindre pitié des criminels passés entre les mailles du système juridique. Des exécutions brutales où le justicier de la route ne se soucie guère des dommages collatéraux pourvu que l'ordre règne. Une justice sauvage offrant une opposition saisissante à la justice brutale de Callahan, qui à peu de choses (faisant toute la différence) aurait pu basculer du côté impitoyable de la loi. Un scénario solide qui multiplie les bonnes idées scénaristiques pour un suspense savoureux qui à mesure que l'intrigue avance, perd regrettablement en efficacité faute à une révélation qui arrive un peu trop tôt. Pour autant, le rythme haletant parvient à compenser cette maladresse en construisant un film nerveux où il se passe tout le temps quelques choses avec des incidents à intervalles réguliers. Une pléiade de rebondissements ponctués par des instants de bravoure percutant sur des scènes d'action brutales dans lesquelles l'inspecteur fait une fois de plus du sale. On se délecte d'un détournement de vol où Harry se déguise en pilote pour mieux s'infiltrer et régler la situation; du braquage d'un magasin qui va s'achever sous un déluge de plombs; d'un règlement de comptes explosifs sous haute tension où ça canarde à tout va; de courses poursuites endiablées; pour un long final apportant une conclusion royale.


À l'image de l'incompréhension ambiante caractérisant notre héros iconique, les meurtres agressifs s'enchaînent comme lorsqu'un proxénète cruel assassine abruptement une prostituée, ou lors des nombreuses exécutions du justicier de la route. Une cruauté que Harry vient contraster par une ironie faite de répliques acerbes que l'on prend avec un grand sourire et qui vient un peu contraster le tout. Pour autant, mon chapitre favoris n'est ni le plus violent, ni le plus drôle, puisqu'il s'agit du concours de tir de la police. Un moment parfait qui autant dans le fond que la forme dépeint en une seule séquence la tension conflictuelle entre deux types de police. Techniquement on se régale ! La photographie de Frank Stanley est impeccable. Les décors de San Francisco par John Lamphear sont intelligemment explorés. La composition musicale de Lalo Schifrin fait le taf via une partition tonique offrant une introduction soul idéale. La cinématographie aérienne de Ted Post nous garantis des bons plans. Une structuration en béton offrant un socle idéal pour un Clint Eastwood qui pète la forme avec son parlé incisif, son tempérament coriace, son sang-froid à toute épreuve et surtout son Magnum .44. Un inspecteur robuste qui refuse une anesthésie locale lorsqu'on lui fait des points de suture, et qui ne se ferme pas à une partie de jambes en l'air facile. Un mec, un vrai !
[ Ça y est je vais être catalogué à mon tour de fasciste sexiste ! ]
Le reste de la distribution est excellent ! Que ce soit Hal Holbrook sous les traits du lieutenant Briggs, Felton Perry pour l'inspecteur Early Smith (coéquipier malchanceux d'Harry), ainsi que les comédiens Albert Popwell, Mitch Ryan, David Soul, ou encore l'aguicheuse Sunny par Adèle Yoshioka, jusqu'à la menace fantôme articulée autour d'une force de police extrême organisée autour d'une justice punitive absolue, on se régale !



CONCLUSION :



Magnum Force de Ted Post, en tant que deuxième opus des enquêtes brutales de l'inspecteur Harry, est un thriller nerveux, dur et explosif doté de scènes d'action énervées où les balles pleuvent et le sang coule à flots. Pour marquer le coup on retrouve un Clint Eastwood en forme sous les traits du génial Harry Callahan, que l'on va explorer davantage à travers une lecture critique envers les détracteurs ayant eu la gâchette facile autour de l'approche soi-disant fasciste et rétrograde du personnage que ne manque pas de renvoyer à la figure l'ensemble de la distribution à travers une lecture réfléchie sur une enquête fluide pour une cinématographie soignée. Un second tour de force pour ce cher Charognard.


Justice brutale vs Justice sauvage : un duel au sommet !




  • Bonsoir.

  • Bonsoir. Vous vous appelez ?

  • Sunny. C'est drôle, ça fait déjà 6 mois que j'habite ici, et je ne vous ai encore jamais rencontré.

  • Je travaille très tard.

  • Je sais. Vous êtes le flic qui habite au-dessus ?

  • Tout juste.

  • Je peux vous poser une question ?

  • Essayez toujours.

  • Comment faut-il que je fasse, pour faire l'amour avec vous ?

  • Essayez de sonner à ma porte.


Créée

le 18 août 2022

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