Dès le générique, le programme est donné, on sait qui on est venu voir, pourquoi, et ce qui va nous être servi. C'est un plat un peu réchauffé que nous sert ce bon vieux Woody Allen (il l'était déjà quand nous avions à peine 1 an, ce monsieur est immortel). La petite ritournelle s'évade, le casting défile "in alphabetic order" et même le pitch ne nous surprendra pas : un magicien (Colin Firth, très "Woody touch") cynique et blasé (oui, oui ça existe) doit confondre une bien jolie médium (Emma Stone, fraîche comme la rosée) qui semble abuser de ses clients. Et bien entendu, ça ne se passera pas comme prévu (imaginer la dernière scène ne devrait pas vous demander trop d'efforts). Qu'importe, ce n'est pas la conclusion qui est importante ici mais le "voyage". Et oui, parce qu'en se laissant prendre au jeu du "déjà vu", juste parce que Woody Allen sort un film par an, on croit que l'on ne sera plus jamais surpris et on l'est pourtant comme Stanley Crawford, l’illusionniste qui ne croit pas aux illusions, incarné par Colin Firth. Le spectateur est berné.

Le film s’évertue à faire perdre à Stanley Crawford, grognon à souhait, son incapacité à voir le monde autrement que ce qu'il est. Bref, Woody Allen cherche à se convaincre que la vie vaut la peine d'être vécue ! Et ça marche ! Si le sourire charmeur (et un peu dévastateur) de Sophie Baker emporte Stanley, c'est surtout ses capacités mystiques incroyables (mais vraies?) qui achèvent de rendre Stanley Crawford plus optimiste. Voilà qu'il respire le parfum des fleurs, sans pour autant accepter encore de faire des compliments. Le tout se passe dans le sud de la France, sous une magnifique lumière, un des aspects les plus positifs du film.

Malgré cette impression tenace, on comprend vite qu'aucun film de Woody Allen ne se ressemble (on ne pourra comparer "Magic in the Moonlight avec "Blue Jasmine") même si la thématique de ce film - sur les "rêves" et la niaiserie du monde, l'illusion - se rapproche de celle de "Midnight in Paris". On comprend aussi que, dans ce monde, si on a l'impression que quelque chose nous échappe peut-être n'y-a-t-il aussi rien d'autre que ce que l'on vit. On ne le saura pas vivant en tout cas...

Finalement, c'est toujours son sens du verbe, de l'image, la sonorité particulière de ses films et même son romantisme assumé et moqué, qui nous charment. La magie prend, même si elle est un peu au rabais. Pas de grands effets, c'est même presque trop facile. Un fac-similé de film de Woody Allen, un peu long mais on ne sait pas trop pourquoi, on se laisse berner par Woody Allen, ça fait du bien, comme à chaque fois. Peut-être parce que le réalisateur s'amuse et nous amuse. Qu'il se moque un peu de nous, ou rit avec nous ( "Le poisson rouge ignore qui change l'eau de son bocal"). Qu’importe, on se surprend même à sourire. Woody Allen se consomme désormais avec délectation, comme un bon repas de noël qui revient tous les ans.

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le 21 oct. 2014

Modifiée

le 22 oct. 2014

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eloch

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