Beaucoup de bruit pour peu de fureur

Ça a été dit et redit, mais adapter un chef d'oeuvre de la littérature n'est jamais une mince affaire, en particulier quand Orson Welles a déjà déblayé le terrain. Tout partait bien pour ce Macbeth réalisé par un australien inconnu, un bon casting, une photo démentielle et des lieux de tournage d'une ampleur exceptionnelle.


Mais voilà, tout l'enjeu d'adapter une pièce de théâtre au cinéma consiste à donner vie au matériau textuel sans donner lieu à une simple récitation esthétisée. Et c'est ici tout le problème du film, qui s'embourbe dans une contradiction très problématique: Justin Kurzel tente réellement, on le sent, d'adapter la pièce au cinéma, avec un usage très prononcé des filtres, une symétrisation extrême dans la composition des plans, l'usage de ralentis, de timelapse... Mais cette mise en scène très tape à l'oeil - ce qui ne me dérange pas en soi - a tendance à masquer le fond de l'oeuvre, à faire de ce Macbeth un paysage troublant et fascinant, mais sans vie - ce qui au passage a le mérite d'accentuer le cynisme sous-tendu par la pièce. Il me semble que le principal problème du film vient du rapport qu'ont les acteurs avec leur environnement. Les paysages sont superbes, le château de Duncan est sinistre à souhait, mais tout cela n'est finalement qu'un décor vide qui vient accueillir les récitations de Michael Fassbender et Marion Cotillard - qui remplissent au passage très bien leur office. Le sentiment que l'on a en regardant le film, c'est d'avoir sous les yeux un collage artificiel d'éléments et de scènes sans que jamais ils ne s'imbriquent ensemble; une sorte de monstre dissimulé par un masque sublime.


Ainsi les scènes qui fonctionnent le mieux sont celles qui mettent de côté la gratuité des effets pour laisser place à de la vraie mise en scène: le banquet par exemple, qui est peut être la meilleure scène du film, les contrastes en extérieurs entre la petitesse démesurée de l'homme et le grondement de la nature, ou encore les dernières secondes, qui voient enfin se rejoindre le fond et la forme pour un ultime et unique frisson.


Un film qui, me semble t-il, souffre de sa paresse en se reposant bien trop sur sa photo et sur les montagnes écossaises, pourtant superbe point de départ de ce qui aurait pu être une fresque métaphysique hors normes. À la foi trop lent, et trop précipité, il gagnerait à être plus explicitement contemplatif. Macbeth est une statue de marbre, lisse et monolithique, mais particulièrement envoutante, qui se démarque néanmoins avec un parti pris louable qui est celui de ne s'assumer que comme expérience purement sensorielle. Et sur ce plan, c'est une réussite.

Stevenakerfeldt
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le 25 nov. 2015

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