Jean-François Richet signe avec Ma 6-t va crack-er une oeuvre militante clairement orientée à gauche, tirant à boulets rouges sur le système policier du territoire hexagonal et donnant largement la parole aux jeunes désoeuvrés de la banlieue parisienne. Il va sans dire que le réalisateur se place sans ambiguïté possible dans le camp des laissés-pour-compte, insufflant à son long métrage une énergie et une spontanéité indiscutables qui servent à merveille le propos.


Eventuel remake du chef d'oeuvre Do the right thing de Spike Lee Ma 6-t va crack-er s'impose également comme le petit frère de La Haine de Mathieu Kassovitz, montrant le même cercle vicieux entraînant la police et les citoyens français issus de l'immigration dans une spirale destructrice mêlée de bruit et de fureur... Richet n'échappe pas à une certaine démagogie, semblant parfois cautionner les agissements contestables d'une jeunesse finalement peu reconnue, mésestimée voire ignorée par le gouvernement et ses dignitaires : c'est sur ce point que le film perd en légitimité voire en pertinence, tant la décharge cathartique de violence présente d'un bout à l'autre fait mine d'apporter une réponse constructive au malaise des banlieues. Fortement moins nuancé que le film de Kassovitz mais également plus partial et courageux Ma 6-t va crack-er est un film résolument choquant, percutant mais aussi pas mal complaisant dans sa trajectoire univoque ; si l'on ne peut reprocher à Jean-François Richet de ne pas aller au bout de ses idées on regrette la portée du message pas toujours bien interprétable, l'ensemble pouvant s'apparenter à une incitation à la haine et à la délinquance.


Si la première heure nous expose de façon plutôt intelligente le quotidien pathétique des jeunes banlieusards ( absentéisme scolaire, agressions, ennui, misère sexuelle, chômage, vol, délits de fuite...) en montrant habilement l'opposition ( éducation nationale, cités dépressives, forces de l'ordre...) la dernière demi-heure alourdit énormément le rythme et le propos, puisque le réalisateur s'attarde péniblement sur une longue scène d'émeute s'affranchissant d'un quelconque justificatif. On remarque bien là une certaine analogie avec le film de Spike Lee, puisque Richet remplace les citations de Malcolm X et de Martin Luther King par l'article 35 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, ce dernier reprenant en substance les propos des deux politiques américains. A noter une excellente bande originale composée en partie par le groupe White & Spirit, musique qui permet d'atténuer l'extrême violence représentée sans en enlever la gravité...

stebbins
7
Écrit par

Créée

le 25 août 2015

Critique lue 429 fois

2 j'aime

3 commentaires

stebbins

Écrit par

Critique lue 429 fois

2
3

D'autres avis sur Ma 6-T va crack-er

Ma 6-T va crack-er
KREYDER
1

Quans je serai grand, je ferai des flims!

C'est drôle, c'est vraiment drôle. Et troublant. Prenons pour exemple l'intelligence dont a fait montre le réalisateur en n'incluant pas la moindre forme d'histoire intéressante à son oeuvre, ou...

le 9 mai 2011

12 j'aime

4

Ma 6-T va crack-er
SarahEissner
7

1996-2014 : Même combat !

Ma 6-t va crack-er n'est pas un grand film. Si vous espérez la plus belle des photographies, la plus parfaite des réalisations, si vous cherchez un esthétisme quelconque, je ne peux que vous...

le 4 août 2014

11 j'aime

2

Ma 6-T va crack-er
Under-Breizh
9

Film générationnel

Ne cherchez pas plus loin, c'est LE film sur les cités (avec Etat des Lieux du même réalisateur) L'approche est différente de La Haine, lorgnant davantage sur la réalité. Tout est amateur : la...

le 11 janv. 2012

9 j'aime

2

Du même critique

La Prisonnière du désert
stebbins
4

Retour au foyer

Précédé de sa réputation de grand classique du western américain La Prisonnière du désert m'a pourtant quasiment laissé de marbre voire pas mal agacé sur la longueur. Vanté par la critique et les...

le 21 août 2016

42 j'aime

9

Hold-Up
stebbins
1

Sicko-logique(s) : pansez unique !

Immense sentiment de paradoxe face à cet étrange objet médiatique prenant la forme d'un documentaire pullulant d'intervenants aux intentions et aux discours plus ou moins douteux et/ou fumeux... Sur...

le 14 nov. 2020

38 j'aime

55

Mascarade
stebbins
8

La baise des gens

Nice ou l'enfer du jeu de l'amour-propre et du narcissisme... Bedos troque ses bons mots tout en surface pour un cynisme inédit et totalement écoeurrant, livrant avec cette Mascarade son meilleur...

le 4 nov. 2022

26 j'aime

5