Encore et toujours précédé d'un goût de soufre et d'une polémique en bonne et due forme le dernier film de Gaspar Noé fut vendu comme un porno 3D en mode promo racoleuse, s'attardant à tort et à raison sur une certaine interdiction au moins de 18 ans à laquelle il a - pour sa chance - échappé. Car si la sexualité délibérément explicite du bien-nommé Love y occupe une place prépondérante elle n'a, en fin de compte, que des rapports très éloignés avec celle de la production pornographique des 20 dernières années. Love propose avant tout et surtout une histoire d'amour unique, aussi anodine que n'importe laquelle mais également irremplaçable, folle et d'une passion terrible : histoire d'amour scandée par de beaux ébats charnels, d'une tendresse communicative, un tantinet longuets mais touchant juste dans leur réalisme quotidien. Du porno Noé ne reprend que les fantasmes et certains archétypes, évitant toute forme de dégradation morale et de déguisement tapageur : il filme le sexe comme la chose la plus normal et peut-être la plus belle qui soit, sublimant les corps et les membres avec une simplicité inédite dans son Oeuvre...


Une Oeuvre du reste complètement ressassée par le réalisateur, qui pratique dans Love une auto-citation redondante jusqu'au ridicule, parfois même jusqu'à l'agacement. Gaspar Noé recrache une quantité négligeable de gimmicks et de moments-clefs de ses films précédents, tout en s'amusant ouvertement à mettre en abîme son film en faisant la part belle à son propre Musée imaginaire : du Gaspar en veux-tu, du Noé en voilà, du Salo et du 2001, de la VHS et de l'affichage cinéphile à la louche, un caméo grotesque... Les gamineries du cinéaste doivent être outre-passées pour mieux se concentrer sur le véritable noyau dramatique de Love : une histoire simple, finalement assez banale et à l'écriture indigente mais fondée sur la reconnaissance du public. Un film sentimental au spleen sous-jacent, qui réserve quelques très beaux moments.


A noter que la bande originale concoctée par Gaspar Noé n'a jamais été autant au service des images : entre les Variations Goldberg de J.S. Bach, les nappes électro de Thomas Bangalter et les morceaux de Erik Satie ( l'ouverture, en ce sens, est magnifique ) la musique accompagne à merveille les séquences sensorielles. Quant à la 3D, rarement démonstrative, elle insuffle un relief certain aux plans composés davantage dans l'accalmie que dans la frénésie d'un Irréversible ou les acrobaties techniques d'un Enter the Void... Le film n'est pas exempt de défauts, de lourdeurs et de longueurs mais il séduit finalement par son universalité et son audacieuse beauté. Love : un film d'amour avec du sang, du sperme et des sentiments. A voir.

stebbins
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le 21 juil. 2015

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