Dire au revoir à son héros

ATTENTION FULL SPOILER

Il y a des personnages de comics qui ont tellement bien été incarnés à l’écran par un acteur qu’on ne peut plus imaginer d’autres visages. Robert Downey JR en Ironman, Ryan Reynolds en Deadpool ou encore Willem Dafoe en Bouffon Vert. Mais pour moi aucun n’a été aussi bien incarné que le Wolverine de Hugh Jackman. 17 ans dans le rôle, 8 films dont 6 en rôle principal, Hugh Jackman est devenu le visage de Wolverine et de la franchise X-Men. Alors quand vient en 2017 l’heure pour l’acteur de raccrocher les griffes, la conclusion se doit d’être à la hauteur du personnage.

Logan est réalisé par James Mangold (réalisateur de Wolverine: Le Combat de l’Immortel, Le Mans 66, Walk on the Line ou plus récemment Indiana Jones 5) et s’inspire de l’excellent comics Old Man Logan, un comics dans lequel on suit le road trip d’un vieux Logan à travers une Amérique à la dérive, presque apocalyptique. Le film reprend cette base de road trip et d’un Logan affaibli par l’adamantium dans son corp et désabusé à cause de la probable extinction des mutants, incapable de mourir mais incapable de vraiment vivre. Logan est accompagné dans ce voyage par un Charles Xavier perdant la tête et dont les pouvoirs deviennent dangereux et par Laura, une jeune fille avec des pouvoirs et un caractère similaire à celui qu’était Logan avant de rejoindre les X-Men. C’est une histoire classique pour le genre apocalyptique comme avec le jeu vidéo The Last of Us qui partage beaucoup de point en commun avec ce film, mais pour le genre super héroïque c’est un film assez unique qui change des autres films Marvel notamment avec son ton plus sombre et violent.

Wolverine a toujours fait preuve de violence mais dans ce film celle-ci est très graphique et se retient moins. On voit le sang giclé et les têtes volées comme jamais auparavant, si ce n’est dans Deadpool mais Logan est plus sale dans sa représentation de la violence là où Deadpool l’utilisé surtout pour le gag et de manière fantaisiste. Dans Logan la violence appuie le ton sérieux du film qui aborde également des sujets assez lourds comme le suicide, la manipulation génétique et le trafic d’enfant. Tant qu’on est sur les sujets abordés, le film fait écho à la situation des immigrés mexicain avec Laura (qui est mexicaine) qui cherche à rejoindre la frontière pour échapper à Essex Corporation, l’organisation qui l’a créée et qui juge qu’elle leur appartient. Cela va avec l’Amérique que le film dépeint, une Amérique rural, raciste et hostile. On a une ambiance Western à l’image du film L’Homme des vallées perdues référencé par Charles Xavier.

Toute cette ambiance sied parfaitement à Logan qui est évidemment le centre du film. Les précédents films centré sur lui s’intitulé Wolverine car il était montré sous un aspect héroïque mais là, on ne s’intéresse plus au héros mais à l’homme derrière. Logan ne se reconnaît plus dans ce monde qu’il veut quitter mais il reste pour Charles car il ne peut abandonner son mentor. Jamais il n’a autant été un homme d’un autre temps. Tout ce qu’il veut c’est gagner assez d’argent pour acheter un bateau et partir en mer avec Charles, la mer étant un symbole de liberté surtout dans cet environnement désertique qu’on dépeint. Logan est prisonnier, prisonnier de son corps qui le fait souffrir, prisonnier de lui-même. Puis il fait une rencontre qui va le changer, celle de sa fille: Laura. Conçue à partir de l’ADN de Logan, Laura est une jeune fille peu bavarde et caractérielle qui n’hésite pas à sortir ses griffes si on la contrarie. Enfermé toute sa vie dans un laboratoire, c’est avant tout une enfant qui découvre la réalité du monde qu’elle ne connaît que par les comics.

Les comics qui apportent un propos méta au film, Wolverine étant connu grâce aux histoires qu’il vit avec les X-men dans les comics qui existent dans ce monde. Là où Logan dit que ce sont des conneries, que rien de tout cela ne lui est arrivé, Laura y croit, elle croit en cet espoir, en cet Eden décrit par ses comics où les mutants pourront vivre en paix. Finalement, elle a raison d’y croire car même si le lieux n’existe pas, les autres jeunes mutants qui y croyaient l’on construit. Cela nous incite à croire dans les histoires qu’on nous raconte et qui apporte la chose la plus importante dans un monde comme celui-là: l’espoir.

Pour en revenir à nos personnages, la relation que Logan et Laura tissent au fil du film est très touchante. Au début, leur deux caractères font qu’ils se tiennent tête mais au fur et à mesure, Logan comprend ce que Laura a traversé et qu’il doit la guider tandis qu’elle comprend qu’il souffre et qu’il a besoin d’aide. Les deux se soutiennent mutuellement, surtout après la mort de Charles qui affectent énormément Logan qui perd son mentor et son dernier ami. C’est à partir de ce moment que Laura se met à soutenir Logan dans ses moments de faiblesses de plus en plus fréquents. A la fin, lorsque Laura et ses amis sont en danger, Logan n’hésite pas une seconde à foncer à leur secours et à se sacrifier pour leur permettre un avenir, lui qui n’en voyait plus pour les mutants. Il offre surtout un avenir à sa fille qui reste à ses côtés jusqu’au bout, permettant au X-men le plus solitaire de ne pas mourir seul.

Les acteurs sont tous très bons, à commencer par Hugh Jackman qui, sans surprise, incarne toujours à la perfection Logan. Son interprétation est plus mélancolique que d’habitude (même si le personnage a toujours dégagé une certaine tristesse), on sent que c’est la fin, qu’il est à bout et Jackman le retranscrit parfaitement. Patrick Stewart est toujours aussi excellent en Professor X bien qu’il n'ait de professeur que le nom. Il amène quelques pointes d’humour (étonnement) mais aussi beaucoup d’émotions du fait de sa sénilité qui gagne du terrain. Il n’est plus l’homme classe qui encadré Wolverine, maintenant il lui dit d’aller se faire foutre. Il porte un lourd fardeau, celui de ne pas avoir réussi à contrôler ses pouvoirs alors qu’il aidait les autres à maîtriser les leurs. Il fait régulièrement des crises qui paralysent tous ceux autour de lui, les empêchant même de respirer. On insinue qu’il a provoqué un accident en faisant une de ces crises dans le passé, tuant même des mutants (possiblement ses élèves en plus). Cela explique pourquoi il n’est plus que l’ombre de lui-même bien qu’il tente encore d’aider Logan, son dernier élève et ami. Sa dernière leçon pour Logan est de s’ouvrir aux autres, de s’ouvrir à sa fille. Celle-ci est interprétée par la jeune Dafne Keen qui retranscrit très bien la bestialité de son personnage et assure dans les scènes d’émotions et dans celles qui se veulent plus légères. Elle n’a pas beaucoup de dialogue, faisant tout passer par son attitude et ses expressions ce qui suffit amplement à exprimer sa bestialté mais également sa douceur enfouie. Notre trio a de très bonnes interactions tout au long de leur voyage dont l’étape que je retiens le plus est celle où ils s’arrêtent dans une ferme. La joie que chacun exprime lors du repas fait chaud au cœur, surtout vu la lourdeur du récit à côté. C’est malheureusement leur dernier moment tous ensemble avant que Charles et leurs hôtes ne soient tués, le dernier moment d’espoir pour Logan.

Le film a des défauts, notamment ses antagonistes qui ne sont pas très intéressants, que ce soit Donald Pierce qui traque Laura à travers les Etats-unis mais qui ni intéressant ni menaçant, ou le Dr Zander Rice dont la motivation de contrôler le gène mutant n’est pas approfondi et est expédié à la fin. La véritable menace à laquelle Logan se confronte, et bien c’est lui-même. X-24 est un clone identique de Logan sans personnalité, n'obéissant qu’à ses maîtres, Pierce et Rice. C’est cette version déshumanisée de lui-même que Logan doit affronter, cette version qui a eu raison de Charles et cette version qui veut tuer Laura. Logan doit se battre contre lui-même, contre sa nature bestial, contre l’arme qu’on a essayé de faire de lui. Finalement, ce clone finit par le tuer puis est descendu d’une balle dans la tête par Laura, continuant de sauver Logan de lui-même.

Tout le film amène à cette scène finale, c’est l’accomplissement de 17 années de développement, 17 années d’attachement. En tant que spectateur qui a grandi avec ce personnage, cela ne laisse pas indifférent. On assiste à une passation de flambeau entre Logan et Laura qui aurait sans doute intégré le New Mutant si Disney n’avait pas racheté la Fox. Logan voulait mourir dès le début du film, c’est pour cela qu’il conservé une balle en adamantium qui sera finalement utilisée pour vaincre X-24. Logan n’en peut plus, il est fatigué de vivre mais continué pour Charles, puis pour Laura. Une fois celle-ci sauvé, il peut partir en paix, ayant été jusqu’au bout un héro, jusqu’au bout un X-men comme le montre la croix sur sa tombe.

Voilà comment se finit l’histoire de ce Wolverine incarné à la perfection par Hugh Jackman, lui aussi fatigué de jouer les héros. Il ne part pas en grande pompe comme Ironman mais d’une façon plus intimiste qui sied parfaitement au personnage qu’il est. C’est une dernière apparition marquante et touchante que rien ne pourrait gâcher si ce n’est le retour de Hugh Jackman dans le rôle mais ça a peu de chance d’arriver… N’est ce pas Marvel ?

Blague à part, je suis très impatient de retrouver ce personnage et cet acteur dans Deadpool 3 (en plus Jackman rêvait d'interagir avec les Avengers) mais ça gâche le fantastique adieux qu’on avait dans Logan, et puis ça m’étonnerait que Shawn Levy fasse mieux que James Mangold. On verra ce que ça donne mais ouais, pas serein.

Malgré tout, je continuerais d'aimer ce film Logan, à ce jour encore l’un des meilleurs films de super-héros que Marvel nous ait offert.