Après le fiasco X-Men Apocalypse, le poids sur les épaules de James Mangold n'en était que plus lourd à porter. Ce dernier se devant d'achever une trilogie mais surtout un cycle ayant initié il y a 17 ans déjà la mouvance super héroïque dans le paysage des blockbusters.
De cette saga on peut légitimement souligner la foultitude de personnages marquants, mais celui qui aura traversé les âges c'est Wolverine, incarnation même de cette licence culte. Logan était alors un défi évident. Verdict ?
Je dois reconnaître que c'est non sans émotion que ce film m’apparaît comme le chant du cygne que j'espérais tant. Imparfait, oui il l'est. Mais le plus important est largement assuré, Mangold signe un film fort et intime, parfois maladroit mais qui conclue comme il se doit le voyage de notre combattant.


Après une épopée asiatique convaincante donnant déjà à voir la souffrance d'un homme condamné à l'immortalité, James Mangold continue de traiter des maux de notre héros plus que jamais sur la fin. Loin de la pureté du Japon et ses foules, nous sommes cette fois-ci projetés dans la solitude des grands espaces sauvages Texans et autres. Mais les temps aussi ont changé. Les mutants tombent sans espoir de lendemain. Ce qui devait être le prochain stade de l'évolution est désormais un lointain souvenir sur lequel Logan préfère ironiser. Avec Charles Xavier, ce dernier reforme le plus intéressant duo de la saga incontestablement (navré Magnéto). Mais le si brillant Professeur est désormais bien faible. Torturé de nouveau par ses pouvoirs, il n'est plus que l'ombre de lui-même mais n'en reste pas moins menaçant, malgré lui cependant. Mais en face que dire de Logan, que dire de Hugh Jackman ? Sa performance impressionne. Par les combats comme les dialogues il transmet et transpire cette souffrance émotionnelle. Il donne son corps (travail physique hallucinant pour son âge justifiant son arrêt à lui seul). L'acteur australien maîtrise parfaitement son personnage et offre au même titre que Patrick Stewart un investissement flagrant qui crève l'écran (loin de l'insignifiance des acteurs d'Apocalypse tous autant qu'ils sont).


C'est aussi là où Mangold frappe fort. Débarrassé de la censure de la Fox qui avait porté préjudice au volet précédent (Deadpool n'aura finalement pas été vain), ce dernier a fait avec l'acteur australien un travail immense : celui du corps comme vecteur émotionnel. Mis à mal comme rarement dans un film, notre mutant est un véritable cadavre (pas sans rappeler The Revenant), vestige d'autres temps et lieux. Jamais gratuite, la violence de Logan n'est pas seulement sensée, elle est le moteur sensoriel même du film pour le spectateur (mais aussi pour nos personnages). On n'aura jamais autant souffert pour Wolverine, lui si invincible à l'accoutumée. En effet vivre est une torture pour notre héros, succombant en raison de ce qui l'a toujours rendu si unique. Gangrené, il s'éteint lentement, un supplice pour le héros comme pour son spectateur. Si son cœur était souffrant dans le film précédent, cette fois-ci le mal est trop profond pour que le corps puisse cicatriser. Logan subit sa chair comme il subit sa vie. Le surhomme de Singer est totalement détruit, broyé. Le travail fondamental de Hugh Jackman pour insuffler ce poids du vécu dans le film est remarquable, se nourrissant par ailleurs des opus précédents. Cette sauvagerie, cette force faisant désormais place à un animal titubant, boiteux aux griffes fatiguées. Vivre devenant alors une épreuve au moindre effort. Wolverine a affronté tant d'ennemis. Désormais c'est contre soi que celui qui a vu périr impuissant ses rares proches doit essayer de lutter. Épuisé, amoindri, son humanité incompatible avec son éternité est un fardeau aussi difficile à supporter qu'à s'en défaire. Dès lors l'absence d'un grand ennemi est légitime et ne peut être véritablement reprochée au film. C'est un combat contre son existence qu'il mène, mais aussi contre le sens qu'a pris sa longue vie. Quoi de plus logique que la plus grande menace du film renvoie à cette lutte acharnée incessante contre lui-même et son vécu. Mais si le mourant éternel se brise, il n'est plus si seul.


Incarnée par Dafne Keen, Laura surgit balle en main sans un mot tel un animal dans la vie de notre solitaire, entraînant derrière elle une armée d'hommes déshumanisés et/car améliorés. La technologie des scientifiques contre la sauvagerie naturelle et c'est une traque aux allures de road trip qui démarre. Elle aussi une mutante, Laura donne au film une force vivifiante parmi ces icônes vieillissantes des comics du passé. Ses silences comme ses phases de combat donne à voir un personnage aussi sauvage que touchant. La relation qui se noue ainsi entre nos trois protagonistes (Laura, Xavier et Logan) se révélant être le deuxième point fort du film. Car Mangold ne brusque jamais les choses et comme dans Le Combat de l'Immortel, il n'hésite pas à prendre son temps faisant de Logan une œuvre qui filme et parle de violence sans jamais y succomber totalement. Si on ne sera pas surpris des révélations comme de l'évolution des liens, force est de constater que l'impact émotionnel est bien présent, permettant aussi au film de souffler dans ce chaos belliqueux à la sauvagerie aussi graphique que sonore. Entre les bruitages de lames, os brisés et chaires déchirées ; Mangold transmet très efficacement cette haine bestiale et primitive si caractéristique de nos deux principaux personnages. Cette violence est un autre langage, un moyen de communiquer des sentiments et des liens qui se renforceront. Avec ce travail, on a une ambiance profitant aux combats tous marquants, encore une fois très violents mais qui n'en font jamais trop, tentant un certain "réalisme".


Très sombre, Logan ne se prive pourtant pas de quelques traits d'humour bien sentis. Ils cultivent les liens entre nos héros, créent des affinités. Loin de l’artificialité ad nauseam des studios Marvel. Si les scènes d'actions se multiplient, elle ne font pas la raison d'être du film qui s'illustre par ses silences, ses dialogues qui sonnent toujours vrais. Pour autant tout n'est pas parfait. Si le scénario est suffisant, les baisses de rythme peuvent déséquilibrer l’œuvre tandis que les facilités scénaristiques rendent l’enchaînement des événements trop prévisible selon les moments. Peu de suspense. Trop d'évidences. Est-ce si préjudiciable, rien n'est moins sûr. Par ailleurs Logan frappe fort en ce qu'il marque la fin d'une époque. A ce titre il faut noter l'effort de fait pour englober toute la saga X-Men jusqu'à X-Men Origin Wolverine !


Ce dernier possédant un rôle clé dans le dénouement final avec la fameuse balle en adamantium, rien que ça ! (ce qui fiche un bordel monstre dans la timeline puisque Singer renie le film depuis Days of Futur Past). Les mauvaises langues pourront par ailleurs noter la foultitude de points commun dans l'évolution et choix clés avec le premier film Wolverine. X-24 pour Deadpool, des enfants mutants à sauver des mains d'un scientifique (comme X-2 avec une boutade de la part du film à ce propos), la séquence repas familial à l'issue tragique, etc. Comme si dans sa volonté de conclure en beauté Mangold réhabilitait (comme ce fut le cas avec X-men 3 dans son précédent film par ailleurs) le film de la honte. Là où certains y verront une faiblesse, j'en retiens un véritable amour porté à la saga et son personnage sans faire abstraction d'aucun film quelque soit sa qualité (Singer à bon entendeur).


En terme de réalisation maintenant, Logan tire là encore son épingle du jeu dans le paysage cinématographique super héroïque. Au-delà de la violence évidente (mais vaine) que seul Deadpool (avec Kick-Ass) avait pu exprimer, Mangold fait preuve d'une certaine maîtrise. Son honorable remake de 3h10 pour Yuma à l'influence non négligeable donne une vraie saveur avec ce "coté western" très sale et sauvage de la nature dans laquelle évoluent des êtres plus sauvages encore. De la même manière les passages de poursuites en véhicule et surtout de massacres profitent d'une vraie fluidité et intensité faisant de Logan un vrai beau et émouvant dernier sursaut avant la fin. Cette mise en scène sait également transmettre une certaine tendresse quand il le faut. Une main tendue, un regard, filmé toujours comme il le faut au bon moment sans jamais trop en faire. La "scène des chevaux" cristallise ainsi toute la pertinence du film. D'une simplicité monstre elle est pourtant l'une des plus belles scènes de la saga pour ne pas dire du genre. C'est souvent très juste et c'est aussi pour cela que nous pouvons être si atteints. Pas transcendant, le travail esthétique reste évident, ce qui confère plus qu'une simple touche auteuriste au film. Logan a une véritable identité et en ce sens il est amené à marquer durablement aussi ce genre. Les premières secondes en sont la preuve avec un travail des couleurs et des lumières plus que notable qui d'entrée annonce le niveau du film.


Malgré ces qualités, les facilités scénaristiques et scènes prévisibles décevront forcément le spectateur de manière plus ou moins prononcée. De la même façon, si l'absence de réel « vilain » est compréhensible (donnant plus de place au combat intérieur de Logan) on peut néanmoins la déplorer au même titre que l'absence de personnages secondaires véritablement pertinents. Cependant l'objectif est ailleurs. Car c'est là aussi que Logan se révèle être le plus touchant et intime des films X-Men. C'est à mon sens le film de la saga le plus abouti et de loin. Certes moins spectaculaire et grandiloquent que Days of futur Past, peu innovant en comparaison du premier opus de 2000, il est toutefois le plus équilibré, le plus fort aussi dans son traitement des personnages. Le film ne se perd jamais. Wolverine est montré sous son plus mauvais jour. Mais de cette décadence se dégage une beauté à l'impact émotionnel flagrant. La chute d'un immortel, mais l'humanité retrouvée par là-même.


A l'image de sa fin, Logan n'est pas un film qui brille pour son originalité totale, faisant même preuve de maladresse, mais non sans charme. En effet il impressionne, concerne le spectateur et arrive à l'émouvoir (plus d'une fois me concernant). L'efficacité de la mise en scène et le travail des acteurs y sont pour beaucoup. Le film se nourrissant de l'apport d'une saga de neuf opus pour prendre totalement sens. Dès lors une écriture parfois somme toute convenue impliquera en réalité un sens bien plus fort, l'imaginaire du spectateur nourri des précédents films étant mis à contribution (scène de dialogue avant l'ultime départ entre nos deux protagonistes par exemple). Logan est un soulagement. Une bouffée d'air frais après trop de déceptions chez les super héros dernièrement. Mangold signe une oeuvre qui va au-delà des espérances il faut le dire, poussant sa démarche jusqu'au bout sans compromis et proposant par la même occasion une oeuvre unique dans le genre.


Ainsi une page se tourne, mais de nouvelles histoires sont encore à écrire. Logan est alors plus qu'une simple conclusion, c'est aussi un legs, un héritage sous le signe de l'insouciance. Avec ce film, Wolverine fait ainsi définitivement la preuve de son immortalité.

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le 1 mars 2017

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Chaosmos

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