Entre road movie optimiste et western décadent

Les points positifs :



  • Le casting. C'est sûr qu'avec Patrick Steward et Hugh Jackman, question charisme on est déjà bien servi, mais là, ils y ont en plus mis beaucoup du leur. Jackman incarne à la perfection cette animal usé par la vie qu'est Logan. Il parle peu mais les expressions du visage, les grognements en disent long sur le personnage. L'interprétation de Steward m'a également touché : ce mélange de regret et d'espoir dans la voix, de fatigue et de sérénité dans les gestes... Le corps de Steward incarne toutes les contradictions qui ont traversé l'existence du professeur Xavier. Dafney Keen en fait parfois un peu trop mais j'ai plutôt apprécié ses expressions animalesques. Les seconds rôles font un boulot honnête, avec une petite mention pour Stephen Machand et Eriq La Salle.

  • La dynamique des personnages. On n'a rarement l'impression dans les films de super-héros que les personnages tiennent réellement les uns aux autres, qu'ils sont attachés entre eux par de vrais liens. Ici, c'est tout l'inverse. Il y a à la fois de l'amour et des regrets entre Logan et Xavier, de l'incompréhension aussi. X-23 apporte à Xavier un dernier rayon de bonheur à ce personnage lui aussi abîmé par la vie. Peu à peu, Logan découvre en X-23 une raison d'être qui lui a systématiquement manquée. La scène du dîner avec la famille de fermiers noirs est admirablement bien écrite, à la fois drôle et sensible.

  • La mise en scène. Enfin un blockbuster qui prend son temps ! Au lieu de nous mitrailler de catch phrases, de dialogues ultra-rapides et de scènes d'action au montage épileptique, le film multiplie les silences, les grognements, les moments où les personnages sont à l'arrêt, attendent, observent, s'observent les uns les autres. La première partie du film installe tout doucement une atmosphère unique, qui tient à la fois du road movie et du western décadent. Les scènes d'action, souvent filmées à hauteur d'homme, sont aussi de très bonne facture.

  • Les maquillages. Le travaille sur le visage et le corps de Jackman est magnifique : on sent la vieillesse et la maladie qui rongent le corps de Wolverine, on voit les cicatrices se multiplier et se déformer, sa peau perdre son teint, ses yeux jaunir. La (courte) scène de Logan à l'hôpital m'a personnellement beaucoup marqué. Ça rappelle le bon vieux temps du Cronenberg et du Verhoeven des années 1980, quand les réals n'avaient pas peur de nous montrer des corps déchiquetés, grièvement blessés, ensanglantés.

  • Le ton. Le film sait à la fois être drôle par moment et tragique quand il le faut. Il y a un côté crépusculaire dans les personnages de Logan et Xavier, qui rappelle pas mal les héros de westerns décadents à la Sam Peckinpah, mais celui-ci est contrebalancé par la promesse de renouveau que représente X23. Les dialogues, les situations exploitent très bien cette tension.

  • La direction artistique et la photographie. Rien de très original de ce côté, on retrouve la palette ocre jaune traditionnelle des road movies post-apocalyptiques à la Mad Max Fury Road ou The Rover. Les décors ne brillent pas non plus par leur originalité, mais remplissent très bien leur fonction, en particulier la vieille usine du début et le réservoir où Xavier est maintenu reclus.


Les points négatifs :



  • Les effets visuels. Si l'on a fait quelques progrès de ce côté, le sang en numérique, ça reste du sang en numérique (heureusement, il n'y a pas que du sang en numérique). Les multiples CGI insérés dans les scènes d'action ou de courses-poursuites m'ont parfois fait sortir du film, notamment dans la séquence où Xavier, Logan et X23 s'enfuient de leur abris à la fin du premier acte. Les camions automatiques également. Le bras mécanique de Donald Pierce est en revanche très bien fait.

  • Les méchants. Aucun n'est vraiment élaboré et aucune dynamique véritable ne s'installe entre les trois principaux. Donald Pierce fonctionne assez bien en homme de main cruel, mais on ignore à peu près tout de lui, on le voit rarement dialoguer avec d'autres personnages passé le premier acte. Le personnage de Zander Rice intervient trop tard dans l'histoire et ses motivations semblent assez superficielles (pourquoi se donner tant de mal pour récupérer vivante ce que tous considèrent comme un accident industriel?). Le clone de Wolverine est dénué de toute personnalité, alors même qu'à la fin du deuxième acte une dynamique semblait s'esquisser entre lui et Zander Rice. On aurait quand même aimé qu'au moins l'un des trois fussent un tout petit peu approfondi.

  • Les répétitions. Difficile de ne pas se répéter dans un road movie, mais on a parfois l'impression de voir plusieurs fois la même scène, celle notamment où une rangée de pick-up noirs, filmée en plan large, surgit à l'horizon pour menacer les protagonistes.

  • La bande-originale. J'avais cru, après avoir vu les premiers trailers, que le réal plongerait dans le répertoire de la folk/country américaine, ce n'est pas le cas. On a le droit à la même composition dépourvue d'originalité dans les scènes d'action, comme c'est de plus en plus le cas dans ce genre de film. Il y avait pourtant matière à faire quelque chose d'intéressant et Johnny Cash méritait davantage que le générique final. En même temps, c'est un film qui use beaucoup des silences, la musique n'incommode donc pas outre mesure.


Au final, un film qui combine road movie optimiste et western décadent, en rupture franche avec tous les codes qui ont marqué le genre "super-héros" depuis les années 2000. Serait-on en train d'assister à une maturation du genre, similaire à ce qui est arrivé au western dans les années cinquante ? En tout cas, il faut une nouvelle fois remercier Deadpool pour avoir convaincu les studios qu'il était possible de réaliser des films de super-héros à destination d'un public plus adulte.

Créée

le 10 mars 2017

Critique lue 294 fois

Thomas Cortado

Écrit par

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