Dans son premier film, le réalisateur Andreas Horvath a fait le pari audacieux de transposer l'histoire de Lillian Ailling dans notre époque. Cette quête folle de rejoindre à pied la Russie depuis New-York est portée à l'écran par Patrycja Planik, à l'interprétation tout aussi captivante que saisissante.
Lillian, c'est un regard bleu d'une belle jeune fille russe, au visage haussé de pommettes saillantes. C'est un regard déterminé, aiguisé qui connaît les dangers. C'est aussi un regard un peu fatigué, qui a connu la honte et la désillusion d'une Amérique dont on veut croire au rêve américain.
Pour Lillian, il n'est que question d'avancer.
Avancer, le regard déterminé, sans sourciller, en marge de la société. Se rapprocher des villes pour se nourrir, se vêtir et ne pas s'attarder, ne pas communiquer, seulement et seulement continuer d'avancer. De temps en temps, se reposer en des lieux oubliés où presque le temps s'est arrêté.
Et qu'importe les efforts à fournir, les dangers rencontrés (dont la survie dépend), ce voyage est à mener seule. Seule et sans identité, seule et sans voix.
La voix, il y'en a qu'une : celle de l'Amérique.
L'Amérique et ses habitants, certains aux idées "arriérées", d'autres aux revendications oubliées par la société.
L'Amérique et sa politique conservatrice qui irrigue à travers champs et vallées certains territoires.
L'Amérique et ses stigmates de violence faites aux femmes.
Ce voyage initiatique de Lillian, nous offre un regard d'Est en Ouest de l'Amérique de nos jours et de ses maux. Il vient à l'esprit la réflexion suivante : la vie sauvage ne serait-elle pas moins source de danger que la société ? Et encore, si l'on respectait cette vie sauvage, en laissant nos voisins mammifères pélagiques voguer paisiblement dans le détroit de Bering, alors peut-être.
Pour Lillian, il n'est que question de marcher seule, très longtemps, tout le temps, loin de la violence facile.