Light of my life, premier long-métrage de fiction réalisé par Casey Affleck, est un film référentiel qui s’inscrit dans un corpus d’œuvres déjà fourni, à l’intérieur duquel il a l’intelligence de savoir où se situe sa place. Révélé cinématographiquement par un certain Gus Van Sant en 2002 avec Gerry, Casey Affleck jouait déjà le rôle d’un homme, un supposé ami composant ainsi duo qui s’enfonce dans le désert californien, d’abord en voiture puis à pied avant que leur errance ne les perde dans les limbes d’un chemin semé d’embûches. Vibrant hommage à son maître GVS, Light of my life est un essai concluant, encore très loin de la justesse et de la maîtrise d’un art approché par GVS dans Gerry, Paranoid Park ou encore Elephant.


C’est d’abord Elisabeth Moss qui relie Light of my life au corpus d’œuvres post-apocalyptique où la stérilité s’abat sur la civilisation humaine. Dans le régime dictatorial de la série La Servante écarlate dans laquelle les femmes sont frappés par la stérilité, Moss campe le rôle d’une servante, dont le rôle est la reproduction. Ici, à travers de furtifs flash-back, Moss joue le rôle de la dernière mère procréatrice de l’histoire humaine en offrant au monde sa fille Rag (joué par la superbe Anna Pniowsky) dont le père (Casey Affleck) tentera de la protéger de la violence des prédateurs masculins. Si l’origine de la maladie qui a balayé l’ensemble des femmes de la planète Terre, les tenants et les aboutissants de cette dernière sont évacués en périphérie du récit, c’est pour mieux se focaliser sur la relation paternelle forte qui unit les deux personnages.


Si le sujet abordé rappelle également le formidable Les Fils de l’Homme de Cuaron, le traitement cinématographique de l’un et de l’autre sont diamétralement opposés hormis la lumière et la photographie crépusculaires. Cuaron, virtuose du wingardium leviosa de la caméra, parsème son film de mouvements de caméra avec des plans-séquence magistraux tandis qu’Affleck ne fait jamais bouger cette dernière, à aucun moment, usant et abusant de plans fixes qu’il maîtrise avec pas moins de virtuosité. Dès l’entame du film et ce jusqu’à sa fin, il tiendra ce parti pris. Serait-ce une analogie de cette intrigue qui n’avance pas ? Tout était annoncé depuis le début, et pourtant, le film puise son énergie dans cette relation père-fille qui restitue parfaitement le climat pesant et puissant qui revêt les habits de la lenteur de ces personnages déambulant à la manière de La Route mais davantage dans des paysages forestiers ressemblants à ceux de Leave no trace où déjà la relation d’un père et de sa fille se mêlait à l’esprit des bois.


Pour conclure, Light of my life est un film monothéiste qui ne jure que par la qualité de ses acteurs et leurs dialogues dans un climat austère où le spectateur trouve du merveilleux dans l’atrocité et la laideur d’un monde sans femme, où les hommes deviennent même incapables d’entretenir la connaissance, le savoir et le partage, ne serait-ce que le fonctionnement d’une bibliothèque laissée à l’abandon.

thomaspouteau
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le 19 août 2020

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