C’est difficile de voir une énième version d’un livre lu une bonne douzaine de fois sans se poser de questions sur l’adaptation, et ce même si c’est ici, a priori, le Trois mousquetaires le plus vieux que j’ai dû voir dans ma vie, je m’excuse donc par avance si je donne l’impression de me focaliser là-dessus, mais n’allez pas croire pour autant que je n’ai pas été capable de voir le film en tant que tel et avec toutes les contraintes inhérentes au support.


D’emblée ce qui marque le spectateur anachronique que je suis c’est la parenté évidente qu’il peut y avoir avec la version de Richard Lester (je ne parle ici que de son premier opus, puisque, comme souvent, le film de Niblo se concentre sur la première moitié d’un roman dont la taille, il est vrai rend particulièrement compliquée toute autre solution de scénarisation).


En réalité, tous les choix ou presque de Niblo seront repris par Lester, mais en moins bien, ce qui fait bizarre lorsqu’on s’est mangé quinze fois cette version dans sa jeunesse… Un avantage pour Lester néanmoins, le casting, véritable point fort en dehors de quelques détails rageants (D’Artagnan, Porthos pour ne citer que les plus visibles…). Et du coup, c’est ballot, mais vu que je connais l’histoire par cœur, que le muet du début des années vingt prend parfois plus son temps qu’il ne devrait, je m’amuse aux comparaisons saugrenues…


D’Artagnan, pas mal, le Douglas Fairbanks, pas mal du tout, bondissant comme il faut, fier-à-bras au possible, et s’il porte très mal la moustache, au moins il en a une, autre chose que cette sous-moulasse de Michael York… Mais bon, dans le genre, on va dire qu’aussi improbable que soit ce choix, Gene Kelly aura plus d’épaisseur et plus de charme…


Athos, hélas, comme les deux autres, n’existe guère, c’est d’ailleurs le gros défaut ici, de ne pas avoir su donner un minimum d’épaisseur à des personnages aussi importants… Du coup, pas difficile pour Oliver Reed de sembler imposant en comparaison, surtout que chez Sidney, c’est Van Heflin qui fait dans le tragique trois niveaux trop haut…


Porthos, c’est la bonne nouvelle du film, c’est la première fois que je le vois enfin interprété par un colosse, comment faisaient donc les autres ? Ils n’avaient pas lu le livre, sérieusement ? Il est même utilisé en tant que tel dans la course pour Calais, petit rajout assez bien vu, finalement, clin d’œil au Vicomte de Bragelonne… Je ne connais pas ce brave George Siegmann parce que bon, il est avant tout l’assisant-réal de Griffith sur Naissance d’une Nation et Intolérance, mais il vient de gagner toute mon affection.


Aramis, Mon Dieu, protégez-nous, c’est Eugene Pallette qui si colle, oui, oui, mon obèse préféré de la décennie qui suivra, le baryton tonitruant, le père grincheux de chez Capra, une merveille ceci dit… mais en Aramis ? Même sans sa bedaine ? Je crois que je préfère encore Richard Chamberlain en 73, si, si, mais comme c’est trop dur à avouer on va ressusciter la version de 1993 et vous dire que Charlie Sheen, en fait, c’est mieux…


Planchet est ici tout à fait inexistant, on préférera le gros rougeaud de Lester, Roy Kinnear voire le facétieux Keenan Wynn de 1948. Faut savoir que c’est super important Planchet, pas de mousquetaires sans valets, déjà que toutes les versions évacuent sans sourciller les Mousqueton, Grimaud et Bazin pourtant tellement indispensables… Enfin, quand on voit qu’ici les trois mousquetaires servent de faire-valoir on ne va pas trop rêver…


Richelieu ici est plutôt bien interprété par Nigel de Brulier, mais reconnaissons qu’ils n’ont pas coupé au défaut d’en faire un grand méchant un peu caricatural tout de même et il manque un peu de grandeur, même dans le vice. Pour le vice d’ailleurs, Vincent Price était pas mal du tout, mais rien ne remplace Charlton Heston pour la grandeur, c’est un pur constat métrique, on ne peut pas lutter.


Constance est jouée par Marguerite De La Motte, c’est dire d’ailleurs si elle était prédisposé à jouer du Dumas, elle, avec son nom tout droit sorti du Collier de la Reine… M’enfin, non seulement elle n’existe guère, même si ses minauderies avec Douglas sont charmantes en diable, mais en plus elle est « la nièce » de Bonacieux, c’est vous dire si mon sang ne fit qu’un tour… Mais bon, je ne vais pas cautionner June Allyson et sa frimousse de gentille ricaine 50’s tout de même, non, et qui a vraiment cru que Julie Delpy existait ? Allons donc pour Raquel Welch et certains avantages qui lui appartiennent en propre (si j’ose dire)…


Milady de Winter, c’est beaucoup plus important et Barbara La Marr est beaucoup plus mignonnette que le peu d’importance qu’on lui donne ici… Du coup, entre Faye Dunaway et Lana Turner, moi, je vais choisir Rebecca De Mornay, par pur esprit de contradiction et n’y voyez aucune perversion particulière.


Pour Rochefort, rien de bien bandant ici, on va tout de suite bondir jusqu’à Christopher Lee, ce sera plus simple et tant pis pour les autres.


Louis XIII est pas mal du tout puisque c’est ce bon Adolphe Menjou qui s’y colle, j’aime bien Jean-Pierre Cassel chez Lester, mais il y a des limites, n’ergotons pas.


Anne d’Autriche est toujours un peu sacrifiée et c’est bien dommage, Mary MacLaren ici, Angela Lansbury (mes aïeux !) en 48, Geraldine Chaplin en 73, n’en jetez plus, je suis sûr qu’on trouve mieux dans les versions françaises…


Après ce défilé un tantinet fastidieux on observe que c’est le Lester qui s’en sort le mieux, ce qui ne l’empêche pas d’être le moins bon du tas (le Disney n’existe pas vraiment, arrêtez donc de déparler sans vergogne !), c’est dire si le monde est parfois injuste…


Ici, ce qui est chouette, en plus des décors en cartons jolis comme tout, des combats fougueux et du dynamisme du récit, ce sont les petits détails d’adaptation que je n’avais jamais vus ailleurs, comme toutes ces scènes où les mousquetaires crèvent la dalle et se débrouille comme des sapajous pour nourrir chacun à leur tour la petite troupe, moments délicieux s’il en est et que les versions suivantes ont bien eu tort d’effacer d’un revers de main.


Parce que bon, ce qu’on aime chez les mousquetaires, ce n’est pas seulement les duels, le panache et les amours débridés, non, ce qu’on aime, normalement, c’est aussi les voir ripailler comme des sagouins et rien que pour ça, je remercie mille fois ce bon Dimitricycle.

Torpenn
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le 25 mai 2013

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