Ensorcelant

En 2008, à Cannes pour présenter Salamandra, Pablo Agüero tombe sur La Sorcière, un essai de Jules Michelet, qui lui fait prendre conscience que la représentation des sorcières dans la culture est avant tout celle des inquisiteurs. Comme d'habitude, les vainqueurs auront transmis leur vision. Il imagine alors un film qui prendrait le point de vue des victimes mais surtout une histoire de sorcière sans sorcière.
Le scénario est inspiré des notes que Pierre de Rosteguy de Lancre a écrite sur son voyage au pays basque français en 1609 dans son ouvrage Tableau de l'inconstance des mauvais anges et démons. Selon le réalisateur, le film « est le résultat d'une longue enquête. En partant du livre de Pierre de Rosteguy de Lancre, qui dépeignait la sorcière comme une femme révolutionnaire, j'en suis venu à la singulière histoire du peuple basque, qui, contrairement aux Bretons ou aux Cathares, a résisté ».

La chasse aux sorcières fait rage au Pays Basque et 5 filles de pêcheurs vont en faire les frais, après avoir été dénoncées anonymement pour avoir flâner dans un pré.
Le juge et un conseiller de la couronne, qui comptent déjà une soixantaine d'autres jeunes filles sacrifiées, terminent avec empressement leur tournée. Ils doivent récolter un maximum d'informations sur le sabbat des sorcières (Akelarre dans la mythologie basque) et étayer la culpabilité de ces dernières pré-établies coupables car de toutes façons, les sorcières mentent.

Le long-métrage, long voyage sur les pavés de la bonne intension menant en enfer, guidé par un juge diaboliquement chrétien infuse dans une marmite pendant 1h30 subtilité, ambiguïté, humour distillé dans des instants critiques, rires étouffés, méfiance, satyre, absurdité, espièglerie, rébellion et séduction endiablée pour le plus grand bonheur des spectateurs ensorcelés devant les sorginaks qui tantôt martyrs, s'accusent, se consolent et pleurent dans leur crèche en plan fixe, tantôt séductrices trompent, se moquent, chantent, festoient, dansent, se contorsionnent et enivrent quiconque oserait ne serait-ce que les regarder dans les yeux.
Cette lente montée crescendo terminera en explosion émotionnelle et sensorielle fulgurante faisant complètement perdre pied à ses témoins qui auront bien du mal à redescendre sur terre et à reprendre le contrôle de leurs esprits.

Ez dugu nahi beste berorik, zure muxuen sua baino