J’ai vu Les ombres persanes à sa sortie, dans l’intimité d’une petite salle de cinéma. Confortablement, au premier rang, je me suis laissée emmener dans un univers sombre, pluvieux et mystérieux. Le début du film est très bien construit pour amener vers cet univers : la caméra passe de voiture en voiture dans un embouteillage, semblant se demander sur quel véhicule elle va se focaliser, sur quelle vie va-t-elle se focaliser pour raconter cette histoire.


Elle choisit donc cette trame : deux couples se rencontrent par hasard. Ils sont identiques physiquement en tous points (et sont joués par les deux mêmes acteur et actrice, Taraneh Alidoosti et Navid Mohammadzadeh), mais leur vie, leur statut social et leur travail diffèrent radicalement. On se dit alors qu’on est face à un phénomène étrange, surnaturel, qui relève totalement du genre fantastique, et qui va précipiter les deux couples vers différents drames d’intensité variable.


Et là… ça coince. Le film tombe dans un écueil qui selon moi est le pire ennemi d’une production fantastique : la rationalisation. L’une des deux femmes, obsédée par l’autre couple et refusant d’y croire, va faire une prise de sang et convainc son double de faire de même. Il se trouve qu’elles n’ont pas le même ADN… et ça s’arrête là, le fantastique est mort.


C’est dommage, parce que ça gâche l’appréciation du film. Moi qui ressentait jusqu’à ce moment un léger malaise, un sentiment que quelque chose n’allait pas sans pouvoir mettre la main dessus, je me suis immédiatement coupé du film. On ne peut alors plus profiter de ce thriller sombre et humide à la lumière froide et élégante sans se poser un tas de questions inutiles, là où l’ignorance aurait suffit.


Sinon, Alidoosti est comme d’habitude magnétique et parfaite, parvenant à jongler entre ses deux personnages avec beaucoup de virtuosité. Heureusement qu’elle est là d’ailleurs, car elle porte le film sur ses épaules. Tantôt femme pauvre, malade et dépressive, tantôt élégante bourgeoise mélancolique et malheureuse en mariage, elle crée toute l’émotion nécessaire pour apprécier ce petit film, agréable mais oubliable.

ClemSnake
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le 10 sept. 2023

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ClemSnake

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