Dans la France de la fin des années 50 marquées par les événements d’Algérie, un couple bien sous tous rapports, Michel notaire qui brigue un mandat de président de la chambre et Hélène écrivain en herbe, pourrait être un exemple si Michel ne dissimulait un secret : chaque week-end, dans sa résidence secondaire Les Épicéas, il devient Mylène, bientôt rejoint par d’autres hommes se travestissant. La question du genre, d’une actualité souvent polémique, inspire de manière répétée le cinéma français depuis quelque temps : le comédien Guillaume Gallienne a joué son propre rôle et celui de sa mère dans son film très autobiographique, le réalisateur François Ozon a fait du personnage principal de sa dernière production un homme qui se révélait et s’accomplissait en femme. Le sujet des Nuits d’été est donc proche de celui de Ma meilleure amie. Le contexte et le traitement en sont toutefois différents.

Une décennie avant la révolution de 1968, la France, et notamment celle de la province et des notables, est encore un pays terriblement corseté dans lequel la femme est encore largement sous le joug de son mari. Il existe néanmoins des îlots de liberté où peuvent s’exprimer les aspirations les plus secrètes et les moins avouables : des cabarets où se côtoient travestis et artistes, soldats en goguette prêts à déserter pour ne pas partir de l’autre côté de la Méditerranée. Les séquences de cabarets, colorées et grivoises, comme celles au cœur de la forêt vosgienne où se réunit et festoie l’étrange aréopage, envoient le film vers des territoires d’interdit et de clandestinité, dans des ambiances dignes des œuvres de Genet ou de Fassbinder. À côté, les scènes chez Michel et Hélène sont empreintes d’un rigorisme protestant où tout semble cadenassé et réfréné. Le cinéma d’antan et ses références aussi diverses que Demy ou Visconti planent sur la genèse des Nuits d’été, espace onirique et singulier où la théorie de Simone de Beauvoir s’épanouit de façon aussi libre que cachée : on ne nait pas femme, on le devient. À la fois classique et moderne dans sa facture – la musique de Rodolphe Burger contribue à l’étrangeté de l’ensemble – un film étonnant et séduisant qui distille un charme tout à fait captivant, pas tout à fait vénéneux, mais pas complètement inoffensif.
PatrickBraganti
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le 3 févr. 2015

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