Les Nouvelles Aventures d'Aladin par Clément en Marinière

En l'espace de quelques années, Kev Adams est devenu l'humoriste préféré des jeunes français, et, sanctifié par le succès des Profs de Pierre-Martin François-Laval, la nouvelle étoile montante de la comédie française (pas le théâtre hein, faut pas déconner). En attendant que le Ministère de la culture se penche sur ce singulier échec de la francophonie, force est de constater qu'à défaut d'être toujours convaincant, Kev Adams est productif. Comme sorti de nulle part, ces Nouvelles aventures d'Aladin, énième incursion franco-française sur le terrain de la comédie iconoclaste (Astérix & Obélix : Mission Cléopâtre pour le meilleur, Iznogoud pour le pire), confirme la vitalité de cette culture “de jeunes” qui, décidément, donne un coup de vieux à quiconque a déjà fêté ses dix ans.


Les Nouvelles aventures d'Aladin, passé un bulletin météo de Cyril Hanouna dont la raison d'être reste aussi obscure que celle du film tout entier, entreprend de nous conter l'histoire de Sam (Kev Adams) un jeune trader qui promet à sa dulcinée (Vanessa Guide) de quitter son travail assez tôt pour fêter le réveillon de Noël en sa compagnie. Dès les premières minutes, le suspense est donc insoutenable. Et si vous ne croyez pas à Kev Adams dans la peau d'un jeune trader, pas de souci, le film n'y croit pas non plus : Sam est en réalité père noël aux galeries Lafayette, et projette un hold up assez peu palpitant de produits de luxe avec son collègue Khalid (William Lebghil). A la suite d'une série d'événements dont la logique défie toutes les conventions, Sam se retrouve à livrer une lecture dramatique et très personnelle du conte d'Aladin à une bande d'enfants apparemment abandonnés par leurs parents dans les couloirs des grands magasins.


A la source des Nouvelles aventures d'Aladin, donc, une vertigineuse mise en abîme qu'il faut doubler de la porosité du personnage de Kev Adams et du comédien lui-même : clairement, Kev Adams fait du Kev Adams, joue à être à Kev Adams et surtout vend du Kev Adams, le tout dans un climat de complicité totale de la part du public. Respect, mec. D'autant que le comédien y met finalement du coeur, chante, se bat, se fait même un lissage brésilien pour le rôle - avec le résultat affreux que chacun est en droit d'imaginer - et ne manque à ce titre pas d'auto-dérision. Mais rien n'y fait, et qu'on en impute la responsabilité à ses comédiens, pour la plupart à la ramasse, à son réalisateur Arthur Benzaquen ou à son scénariste Daive Cohen, force est de constater que Les Nouvelles aventures d'Aladin est au cinéma ce que la tôle ondulée est à la gastronomie : une anomalie, et pas du genre à faire sourire.


Les blagues tombent ainsi toutes à plat, les unes après les autres, et le film se mue rapidement en véritable champ de bataille. Il faut attendre Éric et Ramzy, réunis à l'occasion d'un sketch plus morbide que nostalgique, pour esquisser l'ombre de un sourire. Le reste, alternant répliques scatophiles grasses et caméos ridicules, laissera de marbre même les fameux 5-18 ans cible, dixit la presse, à condition qu'ils aient de l'humour. En plus d'être mou, Les Nouvelles aventures d'Aladin se paie le luxe d'être moche, histoire d'être vraiment sûr de ne plaire à personne. La photographie inexistante ne met jamais en valeur les décors et les costumes, très inégaux, tandis que la mise en scène se limite au minimum syndical. Par coquetterie néanmoins, et histoire d'en mettre plein les yeux aux plus exigeants, le film comporte de nombreux changements de formats complètement inutiles, presque invisibles à l'écran tant le travail sur la forme est inexistant, et qui transformeront sans doute la distribution en DVD et Blu-Ray en véritable cauchemar d'étalonnage. Mais il est assez douteux que qui que ce soit soit véritablement pressé de voir Les Nouvelles aventures d'Aladin débarquer dans son salon de toute façon, alors peu importe.


Il ne faudrait pas passer sous silence les effets spéciaux, vraiment très, très spéciaux, qui cumulent inserts foireux et scènes de combat dans la semi-pénombre pour dissimuler que William Lebghil, soudain aussi souple qu'une contorsionniste russe, a été remplacé par un cascadeur asiatique. Le sommet est atteint lorsque, après avoir inondé le spectateur innocent de modèles 3D de Bagdad mal dégrossis, Arthur Benzaquen se laisse aller à une petite réflexion “méta” sur l'art de filmer les scènes d'action, qui consiste à laisser Sam en raconter une au lieu de la montrer, sous l'œil hagard de son supérieur. “Ah, ça c'est le genre de choses que j'aimerais voir au cinéma !” Le procédé, probablement dicté par une coupe budgétaire de dernière minute, est misérable de prétention ; rien de très étonnant puisque le film dans son ensemble, aussi incroyable que cela puisse paraître, caresse des sujets aussi lourd que la précarité extrême et la vie dans la rue. Caresse seulement, et probablement avec une fourche, tant le résultat, pétri de bons sentiments mais pas du moindre début de réflexion, reste à la porte de ces sujets d'actualité. Tout ce qu'il y a dire sur Les Nouvelles aventures d'Aladin est probablement résumé dans “Yalla Yalla”, numéro musical plagié du “Prince Ali” de Disney, dans lequel Aladin/Kev Adams exhibe fièrement sa richesse en lançant des billets à la populace. L'argument financier : le seul qui puisse faire tenir une production aussi mince, et expliquer pour quelle obscure raison Michel Blanc et Jean-Paul Rouve sont venus s'y compromettre.

ClémentRL
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le 13 oct. 2015

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