Fev 2011:

14 ans plus tard, Ettore Scola, Dino Risi et Mario Monicelli remettent le couvert pour une suite aux "Monstres" de 1963. Vous me direz qu'avec Age, Moccia et consorts aux manettes d'un scénario multicolore et corrosif à souhait, il n'y a guère de surprise. Tapant très dur à deux ou trois reprises, les autres sketchs sont plus doux. Du moins en ce qui concerne ma lecture du dvd tronqué que j'ai eu entre les yeux. En effet, quelles ne furent pas ma stupéfaction et ma tristesse en découvrant que 3 sketchs ne figuraient pas dans ce dvd "Medusa"! Un dvd bonus contenait les 3 segments manquants mais je n'ai pu mettre la main dessus. Quelle idée de connard de séparer le film en deux, pour alimenter un dvd bonus trop faiblard sans doute!

1/ Le pinson du Val Padouan (Ettore Scola):
A priori, comme ça au débotté, j'aurais envie de dire que les sketchs signés Scola sont les plus cruels. Ces idées qu'on se fait, tout de même!
Celui-ci est particulièrement vicieux. Et le monstre qu'incarne Ugo Tognazzi rappelle le cynisme du premier opus. Un mari exploite sans vergogne le talent chanteur de son épouse sans la moindre attention ni respect pour sa santé.

2/ Tantum ergo (Dino Risi):
Celui-là est bien mordant et vindicatif à l'encontre de l'Église. Un cardinal (Vittorio Gassman) s'arrête par hasard dans la petite église d'une banlieue misérable. Or un prêtre ouvrier est en train d'organiser une réunion avec les habitants du quartier avant d'aller présenter des revendications auprès de la mairie pour obtenir de meilleures conditions de vie. Le cardinal, mielleux, là encore dans un élan de cynisme redoutable, va embobiner l'assemblée au grand dam du curé avec un sermon justifiant la pauvreté et la misère au nom du père, du fils et du saint Esprit, amen.
Vittorio Gassman trouve là un autre rôle à sa mesure, bonimenteur, "malimenteur" plutôt. En regardant le bonhomme œuvrer, je me demandais s'il était vraiment le monstre du sketch, s'il n'était pas finalement dans son rôle, sa fonction. Son discours est somme toute logique, en parfait accord avec la philosophie de vie chrétienne qui consiste à accepter le sort qui est le sien, à tendre la joue droite afin d'éviter le conflit et la violence, la révolte et le désordre. Les monstres ne sont-ils pas tous ces gens qui gobent ces sornettes, qui se laissent manger pour la tranquillité de leurs âmes? Ou bien n'est-ce pas ce jeune prêtre rouge qui voit là l'incohérence de sa démarche à la fois conservatrice et progressiste?

3/ Auto-stop (Mario Monicelli):
D'une manière générale je note avec surprise que la part de Monicelli dans ce film m'a déçu et plus singulièrement avec celui-ci.
Eros Pagni ne surprend pas. Ornella Muti n'irradie pas vraiment non plus. Fondée sur un humour noir très anglais, la monstruosité du titre ne se justifie pas réellement.
Un homme prend une jeune femme en stop. Sa drague vasouille mais la belle Ornella Muti s'approprie l'évasion d'une criminelle dangereuse pour foutre la trouille au crétin outre-alpin... qui la butte.
Cette sorte de fable m'a peu titillé le bulbe, j'avoue.

4/ Enlèvement d'une personne chère (Ettore Scola)
Pas vu, snif.

5/ Premiers soins (Mario Monicelli)
Cet autre sketch de Mario Monicelli est bien plus cruel et juteux que son précédent mais manque un peu de rythme et sa structure, répétitive, redondante lasse un peu.
Cependant, j'ai beaucoup apprécié le portrait moqueur qu'Alberto Sordi dessine avec ce personnage de snob, jet-seteur, richard imbibé de pognon, hors du monde et de ses réalités. Sa démarche à la Maccione, son phrasé incroyablement rond et artificiel en font un héros absurde et irréel, assez drôle. Le sketch montre l'égoïsme de notre société individualiste. Les répliques à la fois sophistiquées et percutantes ont quelque chose de poétique et comique. J'aime bien ce personnage, mais c'est tout.

6/ Grand garçon à sa petite maman (Dino Risi)
Pas vu non plus, re-snif.

7/ Citoyen exemplaire (Ettore Scola)
Très court, ce segment ne m'a pas particulièrement parlé... Je crois que je n'en ai pas bien saisi sa portée en fait.

8/ Pornodiva (Dino Risi)
Pas vu, triple-snif-axel.

9/ Comme une reine (Ettore Scola)
Ah, le meilleur sketch à mon avis! Mais attention, pour la risette faudra repasser, l'épisode projetant une violence morale extrême. C'est assez dur.
Un homme, merveilleux Alberto Sordi, poussé par une épouse qui n'en peut plus de vivre avec sa belle-mère, l'emmène dans une maison de retraite infecte. Oh, il ne lui en faut pas trop non plus pour être poussé, le salop! S'il n'était qu'un monstre monolithique, totalement débectant, on en rirait peut-être, mais au fur et à mesure qu'il réalise dans quelles conditions sa vieille mère va vivre à cause de lui et sa lâcheté, il se décompose. L'hospice est constitué de vieux bâtiments délabrés, les religieuses qui le tiennent semblent avoir la patte nerveuse, les vieux y sont traités avec si peu d'égards, le lieu a tout de l'asile d'aliéné, un mouroir.
Dans une scène magnifiquement écrite et jouée, Sordi essaie de convaincre au téléphone sa femme de renoncer, à peine a-t-il émis le premier mot sur ses doutes qu'elle raccroche. Son visage se fige, l'horreur, il n'a plus d'échappatoire. La comédie italienne dans toute sa splendeur, le rire fait place brusquement à la tragédie : il va laisser sa mère crever ici et il a beau crier depuis la voiture avant de partir "traitez-la comme une reine!" son expression ne laisse pas de place au doute, il sait qu'elle ne le sera pas.

10/ Auberge (Ettore Scola)
Pendant le sketch, on devine presque à coups sûr que Scola est derrière la caméra. C'est une histoire à la Scola, une sorte de farce qui fait penser à "Affreux, sales et méchants", en plus espiègle. On est dans le rire exutoire, le grotesque jouissif, gras et excessif, la volupté de l'interdit.
Dans les cuisines d'un restaurant réputé, le serveur (Vittorio Gassman) et le cuistot (Ugo Tognazzi) se livrent à une bagarre dantesque, une infernale baston à coups de poulpe ou de saucisses. Les gros dégueulasses dévastent la cuisine et se réconcilient. Ils servent la bouffe malgré tout. Pas grave, ils s'aiment. C'est complètement fou, régressif, gros, épais, mais drôle, bref, un salmigondis savoureux.

11/ Sans parole (Dino Risi)
Pas vraiment drôle, mais très ironique néanmoins, ce passage se suit avec plaisir, curiosité, grâce à une Ornella Muti bellissima.
Une hôtesse de l'air rencontre un touriste étranger qui ne parle pas les langues qu'elle maitrise. Malgré ce bizarre mutisme, elle s'en amourache. Avant de partir pour un nouveau vol, il lui laisse un tourne-disque avec la chanson sur laquelle il se sont aimés pour la première fois... oh, que c'est mignon tout plein! Seulement... le monstre est un terroriste qui a caché une bombe dans le pick-up.
On retiendra le moment de leur rencontre, sorte de clip où "Ti amo" accompagne les parades amoureuses des deux tourtereaux. Le regard bleu profond d'Ornella Muti est un insondable puits de promesses. Moui, dans mes rêves!

12/ L'éloge funèbre (Ettore Scola)
Lors de l'enterrement d'un comique, un ami (Alberto Sordi) lui rend un hommage d'abord éploré et de plus en plus souriant jusqu'à entamer un numéro où tout le monde se bidonne et danse.
Sauf moi. Là encore, je ne vois pas ce qu'il y a de monstrueux, ni de particulièrement drôle.

Somme toute, ce film n'échappe pas aux défauts des films à sketchs, les déséquilibres liés aux traitements scéniques différents, à la diversité des historiettes et surtout à l'intensité variable qui s'en dégage.

Cependant pour être tout à fait honnête, le niveau reste assez relevé, les sketchs sont intelligents, sans complaisance et peuvent parfois faire briller les comédiens qui les animent.

Je préfère le premier opus, pas de doute, mais celui-ci offre quelques grands moments (le 1er, le 2e et le 10e sketchs pour ma part). Quant au 9e, il est tout simplement grandiose, un bon gros coup de patte dans ma gueule.
Alligator
8
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le 16 avr. 2013

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Alligator

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