Les Hirondelles de Kaboul: Aucun soleil ne peut résister face à la nuit

14em film de mon année 2021, je décide de rattraper de ce métrage chaudement recommandé, celui-ci ayant été dans la sélection Un certain Regard du Festival de Cannes 2019, dans la sélection du Festival international du film d'animation d'Annecy 2019 mais a aussi reçu une nomination pour le meilleur film d'animation 2019 aux Césars ou encore ayant été récompensé par le Valois de diamant et Valois de la musique du Festival d'Angoulême 2019.


On suit l'histoire douloureuse de Mohsen et Zunaira, jeune couple passionnel qui en dépit d'un Kaboul en ruines occupé par les extrémistes talibans, tente de surmonter la violence et la misère quotidienne qui se répand à travers le pays durant cette été 1998.


Bouleversant, cette œuvre -tirée du roman de Yasmina Khadra paru en 2002 et adapté par Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mévellec- dépeint sans détourner le regard, une réalité afghane méconnue par les peuples occidentaux s'inscrivant dans les zones et moments les plus sombres de l'Humanité.


Tout au long du récit, il y a un besoin pédagogue d'informer, de faire comprendre ce qu'il se passe à l'écran, de voir comment -via le cheminement de penser qui en était à ce moment là sur cette partie du globe- on peut arriver à basculer vers de tel atrocités sans que celles-ci ne soient remises en question mais au contraire acceptées tel une fatalité s'abattant sur un malheureux.


L'adaptation du roman de Yasmina Khadra met en lumière un régime de la Terreur qui instaure un climat lugubre où le plus parfait des progressistes peut être embrigadé -sans qu'il en ait pleinement conscience- dans un système totalitaire et dangereux où l'obscurantisme, le fanatisme et l'interdit font foi.


S'en suit des scènes d'une violence morale et visuelle très durs à soutenir du regard allant de lapidation, exécution, punitions diverses -du soit disant ostentatoire-.


Globalement, nous assistons à l'oppression permanente et sous toutes les formes de la femme dont les sévices s'entremêlent insidieusement à des scènes du quotidien montrant ainsi la banalisation de ces choses semblant pourtant tout droit sortie d'un conte lugubre datant des heures sombres des tréfonds de l'Humanité.


Ce sentiment général de désespoir -voire de résignation- perçu justement par la population afghane est très joliment retranscrit par cette réplique métaphorique de l'héroïne principale: "Aucun soleil ne peut résister face à la nuit"


En parlant de beauté, celle-ci est savamment distillée ça et là tout au long du récit.


Que ce soit par la forme avec ses couleurs pastelles, ses dessins délicats ou encore ses couleurs harmonieuses que par ses métaphores visuelles transmettant de puissants messages tel que ces hirondelles, symbole de cette population sacrifiée en soif de liberté dans le ciel de ce Kaboul en ruines, celle-ci souhaitant s'enfuir loin de ce régime -n'ayant que comme croyance la haine, la violence et la souffrance- et s'envoler vers d'autres cieux plus cléments, l'ensemble travaillant en concert pour apporter une profondeur au récit.


La justesse d'interprétation est saisissante tant les acteurs donnent une âme à leurs personnages (dotés d'une réelle profondeur) et arrivent parfaitement à retranscrire une très belle continuité dialoguée écrite au cordeau.


En effet, l'œuvre dont il a fallu trois années de conception à d'abord été tournée en prise de vue réelle puis retransposée en dessin -image par image, tout en épurant les traits- par la jeune graphiste Eléa Gobbé-Mévellec.


Graphiquement magnifique, cette histoire est embellie par une partie sonore (B.O, mixage et bruitage) pertinente.


Nous avons devant nous, un film engagé, très bien réalisé avec des thèmes forts et doté d'une belle interprétation scénique avec un rythme de narration idoine.


C'est un film nécessaire en plus d'être excellent et pour tenter un trait d'esprit en réponse à la phrase de la protagoniste ampli de désespoir, si aucun soleil ne peut résister face à la nuit alors la lumière viendra peut être de la lune voire de son croissant.


Ici, la lumière étant l'espoir, la lune étant celui de la culture et le croissant, étant la religion centrale de cette partie du monde.


Courage aux malheureux et en attendant que la bêtise humaine sous toutes ses formes ne cesse pour de bon, c'est certainement via la culture et l'apprentissage que viendront le salut.


A découvrir par tous et sans réserves!

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le 3 févr. 2021

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lugdunum91

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