3 Guardians 3 Galaxies

J'ai supporté beaucoup de marvelleries jusqu'à présent. Plus je pense que beaucoup d'autres. Contrairement à Karim Debbache par exemple, je ne suis pas automatiquement dégoûté par les clins d'oeil métatextuels dans tous les sens, même si j'admets la lourdeur du procédé. Tant que le film arrive au moins à être divertissant, généralement, je prends. Mais quand on dépasse ce stade, rien ne va plus. Et GotG 3 a pour moi les mêmes défauts que la plupart des Marvels de la phase actuelle, qu'il s'agisse de Wakanda Forever, Multiverse of Madness, ou Marvels, qui me terrorise déjà par sa bande-annonce.

1er grave défaut qui saute aux yeux dès les premières minutes : c'est confus, et le pire de confus possible dans un art narratif : le "confus parce que ça ne cherche pas à raconter quoi que ce soit". Les premières minutes du film ne veulent rien dire. On voit les Gardiens qui vaquent à leurs occupations dans un genre de plan-séquence derrière Rocket Raccoon claqué au sol, y a Star-Lord qui est bourré et donc violent (oui on a des messages sympas dans le film, on y reviendra), on nous "réintroduit" des personnages (c'est-à-dire qu'on nous les cite visuellement, niveau minimal possible pour nous dire qu'un personnage existe dans un film à part peut-être la mention orale), certains n'ayant été présents dans les précédents films que le temps d'une saynète (et ce sont des vrais personnages qui sont censés avoir un rôle dans l'intrigue, mais ça aussi on en reparlera), et pif paf pouf, l'élément perturbateur du film débarque, casse tout, et l'intrigue est lancée. C'est un peu l'équivalent filmique du dramaturge au théâtre qui surgit des coulisses avec un gueulophone et qui hurle à la gueule des spectateurs les didascalies du premier acte parce qu'il a pas confiance dans ses acteurs pour interpréter. C'est bordélique, confus, et pas du tout justifié, et ce n'est pas dans tout le film mais ça revient régulièrement, ce sentiment qu'on envoie tout à la gueule du spectateur un peu au pif à défaut d'avoir envie de le faire de manière cohérente et efficace.

2ème grave défaut : la pléthore de personnages, dont la plupart ne sont pas développés du tout, la palme revenant à... Rocket Raccoon. C'est le personnage central de l'épisode, toute l'intrigue est structurée autour de lui. Pourtant, il n'a pratiquement pas d'arc narratif à lui (à part un flash-back, ce qui n'est pas vraiment du développement intradiégétique mais plutôt une incise à destination du spectateur, et un arc très vite expédié dans le dernier acte où il se rend compte que c'est pas cool de dédaigner les espèces non-évoluées parce qu'il l'a été... mais c'est vraiment en quelques minutes à la toute fin, donc tout le film est littéralement à propos d'une coquille vide, un littéral mcguffin comateux). Les arcs des personnages principaux sont très basiques et artificiels (Star-Lord essaie de convaincre la Gamora alternative de faire semblant d'être la Gamora morte de son monde et il finit par y parvenir à force d'être lourd, une petite hola pour la toxicité siouplé... et oooolééééééééé), beaucoup de personnages sont réduits à être des dei ex machina ambulants (Groot c'est ça tout le film, une de ses seules scènes importantes - enfin seule scène où il fait quelque chose serait plus juste - il vient littéralement pour servir de caisse d'armes parce que "personne penserait à fouiller Groot" apparemment... mention spéciale à Cosmo qui a été upgradé du statut de blague à deus ex machina de niveau godslayer) et dans le cas de certains on croirait même que le développement a eu lieu dans l'intervalle avec le dernier film (je sais que Nebula est censée s'être calmée mais là elle occupe de fait le rôle de capitaine d'équipe la moitié du temps, dans une quête qui est de sauver un des leurs avec lequel, autant qu'on le sache en tant que spectateur, elle n'a pas d'amitié particulière qui nous ait été montrée... chaud quand même). Ah et on parle du fait que Rocket Raccoon et Groot sont censés être très proches et que ça ne joue quasi aucun rôle dans un film qui tourne autour du personnage de Raccoon ?

3ème grave défaut : James Gunn s'est fait une réputation de gamin transgressif qui joue avec la morale et les tons sans vergogne. Cela a du sens pour Suicide Squad, autant d'un point de vue homodiégétique (c'est des super-vilains qu'on force à exécuter des missions pour le gouvernement) qu'hétérodiégétique (le public vient pour ça). Les Gardiens n'ont pas été vendus comme ça. Il y a certes un trope "rag-tag team of scoundrels" très attaché à ces personnages, mais ils sont kid-friendly en principe. Le film ici l'est pas du tout. Y a des animaux torturés et dénaturés par des expériences scientifiques qui se font exécuter à l'écran devant leur meilleur ami qui leur promet de voir le ciel par un tyran/wannabe Mengele génocidaire qui éteint des espèces et des planètes entières quand il le sent (ce n'est pas une façon de parler) et qui porte une réplique biologique de son visage au-dessus de son propre visage défiguré Joker-style (ça non plus). J'ai lu l'origin story de Rocket il y a longtemps, certes, mais je suis à peu près sûr qu'il y a libre interprétation de l'équipe scénaristique pour le coup (j'ai plus eu l'impression de voir une version diluée et sans fond de Plague Dogs qu'un film Marvel par moments). Et tout est comme ça hein, y a quand même une scène où Star-Lord se sert d'un des sbires du vilain désarmé (une crevure certes mais bon) comme piste d'atterrissage. Encore vivant. avant de le noyer tout en lui arrachant le cerveau bionique histoire de récupérer des données. depuis quand un Han Solo-like se distingue-t-il par la cruauté calculée ? J'en veux moins à l'aspect moral qu'au manque total de cohérence de ton, qui rend le film complètement schizophrène (on a ça, puis des messages sur l'amitié, puis le chantage émotionnel de Star-Lord envers Gamorra, puis des scènes où on dit que la cruauté animale c'est pas bien, puis Rocket Raccoon qui va faire du safari à la sulfateuse parce qu'il faut bien que les colons puissent s'installer sur une planète sauvage, puis des blagues gaies avec Drax...) et adapté foncièrement à aucun public (trop puéril pour des adultes, trop... de représentations fascistes? - vu que j'imagine que c'est censé être de la représentation, pas un contenu politique - sinon on entre dans une nouvelle catégorie de cringe - pour des enfants).

4ème grave défaut : le film fait 2h30, et j'ai déjà vu des films de 3h dont la durée se justifiait -Heat est le premier exemple qui me vient en tête, mais il y en a d'autres-, mais ce n'est clairement pas le cas de ce film, qui aurait pu faire facile une heure de moins sans dénaturer l'intrigue (au contraire). Il est bourré de péripéties inutiles, qui nuisent à la lisibilité de l'ensemble et au rythme. Le pire exemple c'est sans doute la scène où Rocket agonise et commence à voir des trucs : ça n'ajoute absolument rien qu'on ne sache déjà, c'est narrativement injustifié, et c'est du tire-larme facile et malhonnête, voire malveillant (va expliquer cette scène à ton gosse et où qu'elle est madame la loutre mignonne wesh, enfoiré de film).

5ème grave défaut : fuck la logique interne ? Apparemment maintenant ils ont des medipacks qui restaurent instantanément un membre cassé (et peuvent ressusciter un personnage au code génétique de synthèse unique et avancé au seuil de la mort). Et ils en ont des paquets. Du coup je suppose que dans cet univers désormais il suffit d'avoir des protections correctes pour le haut du corps et tu es littéralement immortel ? Et je ne parle même pas du fait que tout le plot porte sur les expériences animales et que Cosmo, créé par technologie soviétique, a des facultés de malade, là où le High Evolutionary ne parvient pas à créer quelque chose de mieux que Rocket (et encore, par accident) avec une technologie de niveau galactique, et je doute au regard du reste du contenu du film que le propos soit la supériorité de la planification scientifique sur l'approche par le privé... Pire encore : y a une scène du film dont la résolution dépend entièrement d'une blague. Je ne plaisante pas. Drax sait parler une langue, qui est de toute évidence une langue de synthèse (vu que ce sont des créatures synthétiques créées par un malade mental qui veut créer une espèce parfaite et purgée de toutes les vicissitudes du monde actuel), que ni Nebula, qui a le cerveau connecté à un ordinateur surpuissant, ni Mantis, qui est une empathe capable de capter et transmettre les émotions au point de savoir modifier le comportement des autres, ne sont capables de comprendre, et uniquement pour faire une blague et le caractériser comme un bon père. Ah mais si on peut faire ça, pourquoi on se fait chier à encore écrire des scénarios franchement ? C'est bon allons-y on adopte une approche complètement pornographique et on balance juste deux heures de fights randoms entrecoupés de cruauté et de scènes bonbons pour varier les émotions... wait.

Résumons : c'est confus, cacophonique, incohérent, putassier, malhonnête, artificiellement long, pornographique. En fait on a l'impression de voir une version cinématographique du fantasme des live service games : un live service universe, dans lequel un film sert d'affiche promotionnelle pour 15 autres films, et qui répond à un cahier des charges censé éviter que les attentes moyennes des spectateurs soient insatisfaites (on met du cute pour les gosses, du génocide pour les adultes, et on est bons les gars non ? Ah non merde on aurait pas dû faire rédiger le scénar par chatgpt en fait, c'est vrai que les humains marchent pas comme ça).

I can accept bad movies, but I draw the lines at evil ones (j'ai mal employé un meme, je suis un scénariste de chez Disney, mettez un pouce maintenant)