C'est un fait.
Les américains sont les maîtres en matière de westerns crépusculaires depuis les années 1960 : Butch Cassidy et le kid, La horde sauvage, Josey Wales hors-la-loi, Impitoyable, jusquà récemment L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, Django Unchained ou encore Les 8 salopards. Voir un réalisateur français s'attaquer à ce genre très mélancolique et critique du western est donc pour le moins surprenant.
Mais alors, est-ce que la copie rendue par Jacques Audiard vaut l'excursion à cheval en terres américaines du 19ème ?
Eh bien, dans l'ensemble… oui.
En lui-même, le film est très agréable à suivre par l'efficacité et la fluidité de son récit, permise notamment par les voyages constants où les deux frères Sisters (chasseurs de primes) s'engouffrent afin de retrouver le prospecteur qui a volé leur commodore et le détective qui a rompu son contrat passé avec ces derniers. Et si ces voyages sont si plaisants à suivre, c'est bien grâce à la présence de ces deux protagonistes. Leurs différences sont si prononcées qu'elles font d'eux un superbe duo comique dans le déroulé de leurs agissements, mais pas que.
Le personnage de Joaquin Phoenix (Charlie Sisters) est heureux de sa vie de chasseur de primes et de la fortune qu'il amasse. Mais bien qu'il soit extrêmement bon dans ce qu'il fait, sa prétention, son désir d'avoir toujours plus et son immaturité poussera toujours son grand-frère (Eli Sisters) à payer les pots cassés. La vulnérabilité peu à peu grandissante d'Eli le rend touchant, sa conscience morale et son ras-le-bol de sa vie de chasseur de primes, de son statut de méprisé et du comportement de son petit-frère le gagnent et font progresser peu à peu la rivalité comique qu'il entretenait avec ce dernier vers un tournant tragique : les problèmes internes profonds liés à leur passé se révèlent, ils constatent les limites de leur liberté de tueurs et finissent leur mission avec la sensation amère de ne pas avoir décidé de la fin de leur mission.
Mais si ce duo porte parfaitement le film, il n'est malheureusement pas possible d'en dire autant de celui entre le prospecteur et le détective. Car bien que la motivation commune de "trouver une autre forme de liberté par la démocratie" - qui serait la véritable liberté - reste intéressante, tout semble trop simple, trop arrangé, jusqu'à parfois arriver dans un registre proche du niais. À l'approche d'un pivot dramatique inattendu et impactant, il est en d'autant plus frustrant que la croyance et la crédibilité des évènements passés ne se fasse ressentir qu'à moitié.
Les frères Sisters est certes un western plutôt plaisant dans son ensemble avec des parti-pris esthétiques irréprochables mais il est clair que son scénario diminue grandement son intérêt. Sans réelles prises de risques, Audiard offre une copie de bon élève mais où il était possible de faire bien mieux.