Je n’ai pas envie de vous répéter tout ce que Pierre Léon disait dans sa présentation du film hier, disons pour résumer que c’est le premier film de Koulechov qui a alors 25 ans, qu’il y fait tourner toute la petite troupe qu’il a formé à force de donner quelques cours et qu’on y retrouve Boris Barnet, ancien boxeur qui joue ici le rôle du cow-boy et Poudovkine, entre autres…

L’histoire est à la hauteur du titre, Mr West, américain bon teint, part visiter l’Union Soviétique accompagné de son cow-boy de garde du corps, il s’attend à y trouver la caricature du barbare poilu la faucille entre les dents et tombe sur une bande de malfrats qui en veut à ses dollars et jouent sur ses craintes bien entendu infondées… Le final expéditif nous montrera un Mr West convaincu par un vrai bolchévique en uniforme et par un défilé de fanatiques qui lui donnera illico envie de changer de patrie et de rejoindre le vrai pays de la liberté bla bla bla…

Tout le reste du film n’est qu’une vaste plaisanterie un peu maladroite mais assez jolie qui donne l’impression d’être dans une bande dessinée d’alors… Un petit côté Tintin au pays des Soviets, oui, bien sûr, mais c’est surtout à Bicot et aux américains que l’on pense, avec des terrains vagues et une urbanité qui s’en rapproche autant que possible et une façon absolument surréaliste de bouger des guiboles et des genoux…

Avec ça, les acteurs jouent un peu comme des patates, la bonne volonté ne fait pas tout, et l’intérêt du film est essentiellement anecdotique.

Le plus étrange en fait, c’était la séance. Pas tant pour le discours cité plus haut que pour l’absence complète de sous-titres français qui obligeait un type (sosie parfait de Chose, quoiqu’on en dise) à en faire la traduction en direct au micro, tel un moderne benshi nous éclairant de ses lumières auditives dans le fond d’une salle obscure abreuvée de douce vodka islandaise… Avec ça, pas le moindre petit bout d’accompagnement musical à nous mettre sous la dent, bien sûr…

Du coup, c’était gentil et bien pratique cette traduction, mais ça a bouleversé mes sacro-saintes habitudes misanthropiques que le cinéma comprend si bien, cet art collectif pour les parias et les solitaires qui peuvent d’ordinaire se réfugier dans un confortable semblant d’isolement, perdus dans le noir et le bruit, protégés par l’absorption de l’écran, autorisés enfin à jouir à la fois ensemble et seuls d’un plaisir collectif ailleurs que dans des partouzes masquées.
Torpenn
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le 19 déc. 2012

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Torpenn

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